Par Jérôme Culos

Safari Mozambique

 

EXPEDITION AU NORD MOZAMBIQUE


Lundi 16 octobre 2006, Paris


Voilà, le jour J est enfin arrivé. Cela faisait quelques semaines que j’attendais avec impatience le départ. Je vais enfin revoir l’Afrique Australe pour une nouvelle expédition. Cela fait à peine six mois que je suis revenu de mon précédent voyage, et l’envie est déjà revenue.

Une longue journée de voyage s’annonce. En début d’après-midi, je pars récupérer Nelly avant l’incontournable trajet en RER. Ce n’est pas que j’apprécie particulièrement ce moyen de transport mais il faut avouer que sur ce parcours, il est presque toujours synonyme de voyage, de grands espaces, de dépaysement, … C’est parti pour une bonne heure de train. Nous nous fondons dans la foule parisienne, assez dense en ce lundi après-midi, avec nos sacs bien chargés et nos looks de touristes. Passée la gare du Nord, nous nous retrouvons entre voyageurs. Quelques minutes plus tard, nous atteignons enfin l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle ; cette fois, ce sera le terminal 2F pour un petit saut de puce via un A319 d’Air France  jusqu’à Amsterdam Schipol. L’escale n’est pas très longue, cela nous laisse juste le temps de traverser ce long aérogare, franchir l’immigration et procéder à un léger ravitaillement en prévision des apéros à venir. C’est dans la salle d’embarquement que nous retrouvons Claire, arrivée de Biarritz via Lyon.

L’attente est particulièrement courte : au bout d’un quart d’heure à peine, l’embarquement commence. Pas le temps de s’ennuyer à attendre !! Cette fois nous partons vers Nairobi, au Kenya, à bord d’un Boeing 767 de la compagnie Kenya Airways : direction l’Afrique, la vraie ! Après un bon quart d’heur e de roulage sur les taxiways bataves, nous prenons enfin notre envol dans la fraîche nuit européenne. Dans environ huit heures et demie, nous poserons les pieds au Kenya pour une nouvelle escale. En attendant, la nuit est encore plus courte que d’habitude : d’abord, un repas servi particulièrement tard (aux environs de 23 h pour un décollage à 21 h !), et un petit déjeuner très matinal (genre 3h du matin !) et au milieu, difficile de fermer l’œil. D’ailleurs, en jetant un coup d’œil aux alentours, je ne semble pas être le seul dans ce cas. On dormira mieux ce soir, sous la tente, au bord du lac.


Mardi 17 octobre, aéroport Jomo Kenyatta de Nairobi


A Nairobi, c’est la brume et la pluie qui nous accueillent. Un vrai crachin londonien : heureusement que la végétation en bord de piste est là pour nous rappeler que nous sommes bien en Afrique. Nous avons deux heures à patienter dans un aérogare presque vide. Il faut dire que l’heure matinale n’aide pas. Enfin, vers huit heures, nous nous dirigeons vers la dernière salle d’embarquement du voyage, pressés par une hôtesse qui nous dit qu’on attend plus que nous alors que l’heure d’embarquement n’est pas encore arrivée !! C’est reparti à bord d’un nouveau B767, toujours de Kenya Airways, cette fois à destination de Lilongwe au Malawi (l’objectif final) avec un large crochet par Lusaka, capitale de la Zambie voisine. Un peu plus de deux heures de vol pour cette portion du vol ; et nouveau petit-déjeuner mais cette fois façon « breakfast » britannique. Nous survolons d’abord quelques volcans tanzaniens, aperçus à travers les nuages, l’immense Kilimandjaro sur la gauche,  puis c’est le survol de la vallée de la Luangwa. Arrivés à Lusaka, il faut encore patienter une bonne  heure, le temps de débarquer les gens arrivés à destination, embarquer les nouveaux, nettoyer un peu l’avion et charger les nouveaux bagages et le fret (ce qui ne sera pas une mince affaire !!). Enfin, nous reprenons l’air pour la destination finale, Lilongwe enfin, distant de moins d’une heure.

Mais l’attente n’est pas terminée. Il faut encore faire preuve de patience. Cela commence d’abord sur le parking lorsque nous nous rendons compte que le pilote n’a pas vu le guide. Il n’y a pourtant que nous sur ce parking. Nous voyons alors ce guide courir pour se mettre devant nous ; puis l’escalier obligé de se déplacer pour suivre  notre avion ! Ensuite parce que les douaniers ne sont pas présents quand arrive l’avion. Enfin, parce que les bagages mettent une éternité à arriver : à tel point que je finis par croire que mon sac s’est perdu en route. Après un dernier contrôle du contenu du sac, je retrouve enfin Fred dans le hall de l’aérogare. Nous pouvons rejoindre Inno et les 4*4 sur le parking. Après une bonne banane et une gorgée d’eau (africaine), nous nous mettons enfin en route vers Salima. C’est là que nous récupérons Nadine et Michel arrivés quelques jours plus tôt. Désormais, le groupe est au complet pour poursuivre la route vers le sud. La route n’a néanmoins qu’un temps et se transforme en piste dès que nous obliquons vers l’Est. Nous traversons de nombreux villages, les gens du Malawi sont toujours aussi nombreux au bord des pistes, souvent avec leurs vélos. Nous apercevons aussi de nombreux baobabs qui commencent à peine à verdir. Manguiers et papayers sont chargés de fruits, malheureusement encore verts. Quelques flamboyants, couleur de feu, traînent ici et là, quand ce n’est pas le mauve d’une paire de jacarandas. La faune n’est pas nombreuse. Néanmoins, non loin de notre étape de Monkey Bay, au sud du lac, nous apercevons tour à tour un babouin puis deux rolliers à longs brins toujours aussi beaux avec leur palette de couleurs.

Le premier bivouac se déroule sur la pelouse verte et dure du Nkhudzi Lodge, juste au bord du lac Malawi. Evidemment, dès la tente dressée, une baignade bien agréable s’impose avant une douche réparatrice : cet immense lac d’eau douce est toujours aussi agréable. Ce soir, c’est grand luxe ; nous sommes nourris par le lodge : succulents filets de Chambo (une sorte de brème du lac), dîner aux chandelles, chaises et table en bois, et tout le toutim. Fred et Inno parachèvent la soirée avec mon gâteau d’anniversaire ainsi que qu’un petit présent ! Ce séjour se présente sous de très bons auspices ! Mais il est temps de dormir, car sur ce point, nous avons du retard après la nuit dans l’avion.


Mercredi 18 octobre, Nkhudzi lodge, Monkey Bay


Contrairement à ce que j’imaginais, j’ai assez peu dormi; pourtant le cadre s’y prêtait tout particulièrement. Aux premières lueurs de l’aube, j’étais donc déjà sur la terrasse au-dessus de la plage pour attendre le lever du soleil. Mais en fait, la lumière arrive bien avant. La vie s’éveille très tôt sur les rives du lac. On assiste au chassé-croisé des pêcheurs entre ceux qui rentrent de leur nuit de pêche et les autres qui y vont. Quelques ombrettes gambadent çà et là sur la plage. Un autochtone fait même son jogging sur le sable. Petit à petit, c’est notre camp qui reprend vie. Et enfin le disque rouge daigne apparaître derrière la côte mozambicaine : l’instant est furtif ! Il est maintenant temps de plier les tentes et de profiter d’un bon petit-déjeuner, avec des croissants, s’il vous plaît ! Le soleil nous rappelle très vite que nous sommes bien en Afrique : seulement 6 h et il fait déjà bien chaud.

Une heure plus tard, nous pouvons reprendre la route ou la piste ; on ne sait plus trop tant le bitume a disparu par endroits. Notre progression nous fait ainsi longer le sud du lac Malawi jusqu’à la localité de Mangochi qui dispose d’un pont pour franchir, non plus le lac, mais ce qui est devenu la rivière Shire, qui déverse les eaux dans le lac Malombe avant de devenir définitivement une rivière. Juste avant de franchir le pont, on contourne une tour assez  surprenante : une horloge dédiée à la reine Victoria ! Sur la gauche, on aperçoit les restes de l’ancien pont : on croirait presque à un tremplin, mais gare à celui qui se tromperait et l’emprunterait ! Il faut ensuite franchir une sorte de col qui mériterait d’être dans le tour cycliste du Malawi : les pauvres utilisateurs de vélos sont bien à la peine tant ils sont chargés.

Ainsi, nous finissons par atteindre la ville de Mandimba où se situe le poste frontière avec le Mozambique (en fait, cette ville est située côté Mozambique). Les formalités de sortie sont très rapides contrairement à ce qu’on pourrait croire avec la foule alentour. Les premières banques « mobiles » font leur apparition : ici, la revente de devises se fait directement devant les autorités sans que personne n’y trouve à redire ! Le même manège se reproduit quelques centaines de mètres plus loin en territoire mozambicain. Là, il faut être bien plus patient : la vie semble plus paisible et les douaniers prennent donc leur temps. Un mot magique permet de faire ouvrir la barrière sans trop parlementer : zidane !! Nous venons aussi de quitter un territoire anglophone pour passer en terre lusophone, langue qu’aucun d’entre nous ne maîtrise !!

Au début, le paysage ne semble pas trop changer. Nous retrouvons les mêmes manguiers et papayers. Les villages sont construits de la même façon avec les toits en sorte de chaume et les murs soit en palmes tressées, soit en briques faites maison dans les nombreux fours qui jalonnent la piste. Toujours aussi les mêmes silos et poulaillers, eux-aussi en palmes tressées. Puis, insensiblement, les cases s’agrandissent, passent à la forme rectangulaire, là où elles étaient rondes ; des sortes de « hangars » apparaissent, toujours dans le même matériau : long bâtiment simplement composé d’un toit posé sur une série de poteaux. Nous croisons aussi régulièrement une voie ferrée qui semble bien peu utilisée à en voir l’herbe sur le ballast.

Arrivés à Cuamba, ville un peu plus importante, nous bifurquons vers l’Est pour tenter d’atteindre dès demain l’océan. Les villages  dont toujours aussi nombreux. Il semble y avoir des cases partout. Et quand ce n’est pas habité, les sols sont quasi systématiquement livrés aux flammes des brûlis, bien tardifs pour certains. Tout y passe même certaines forêts et même quelques cases ! En revanche, le paysage évolue radicalement. Nous longeons désormais d’énormes massifs rocheux : on dirait que ces petites montagnes sont tombées là par hasard. D’abord de formes très arrondies, mais toujours abruptes, elles se transforment au fil des kilomètres en pics plus acérés. Lorsque le soleil décline, les couleurs sont encore meilleures, ajoutées au rouge de la piste et au doré des cases. Nous passons aussi régulièrement devant de nombreuses écoles et leurs nombreux élèves, souvent en uniforme coloré.

La moindre rivière est un point d’attraction : des femmes y font leur lessive, les enfants profitent de la baignade, même dans des eaux bien peu claires. A Malema, nous apercevons quelques maisons de l’époque portugaise, désormais à l’abandon. Les grandes avenues (de terre !) sont bordées d’arbres, le centre étant occupé par des poteaux. On pourrait presque y faire du slalom. En plein centre, nous tombons sur une plantation de frangipaniers roses, visiblement un bâtiment officiel.

Peu à peu, la piste devient plus cassante, réduisant ainsi le rythme. C’est de toute façon le moment de se mettre en quête d’un bivouac pour le soir. Malheureusement, les nombreux brûlis et la densité de villages rendent la chose fort mal aisée. Ce n’est qu’à la tombée de la nuit que nous finissons par nous installer dans un ancien champ de maïs qui fera bien l’affaire pour une seule nuit. Ce soir, les frontales sont presque indispensables pour le montage des tentes. Même le feu a du mal à démarrer : on aurait peut-être dû demander aux pyromanes locaux ! Enfin, tant bien que mal, Fred et Inno réussissent à préparer le repas ; ça deviendrait presque une tradition : on commence avec des gemsquash, ces cucurbitacées locales, vertes et rondes. Et on finira par de succulentes mangues avant une petite veillée autour du feu. Comme la veille, nous n’avons pas mis la surtoile sur les tentes : nous profitons ainsi du ciel étoilé à travers les moustiquaires.


Jeudi 19 octobre, quelques kilomètres à l’Est de Lapala


Le bivouac fut dur à trouver mais néanmoins la nuit fut bonne quoi qu’un peu fraîche sur la fin. Au réveil, notre campement fait l’attraction : les habitants des cases voisines se sont attroupés pour nous observer. Impossible à comprendre, mais nul doute qu’ils parlent de nous et de notre village ambulant !

Une fois le ventre plein, nous prenons de l’avance en partant à pied sur la piste. A peine sept heures et il fait déjà chaud sous un ciel bleu bien pur. Nous croisons quelques cyclistes matinaux. Rapidement, les 4*4 nous rattrapent et nous embarquons pour poursuivre la piste. Celle-ci semble mois ravinée : la progression s’en ressent quelque peu. Encore et toujours des villages et toujours autant de brûlis. Cela semble décidément être le sport national. Ces petits massifs rocheux, du genre pains de sucre, refont leur apparition.

Arrivés à Ribaue, nous faisons une halte pour découvrir un vieux bâtiment datant probablement de l’époque coloniale. Bien qu’il soit à l’abandon, seuls les murs ont résisté, on peut facilement imaginer à quoi il ressemblait, au bout de son allée, avec ses bassins et son patio. Fête ou pratique quotidienne ? Toujours est-il que tout le monde se tient au garde à vous autour de la place de la mairie en attendant qu’un policier hisse le drapeau national sur les coups de huit heures. Enfin presque tout le monde car dès qu’on s’éloigne un peu, les gens continuent à vaquer à leurs occupations. Plus tard, c’est dans une localité visiblement inhabitée que nous faisons une halte ; une église y tient debout probablement par miracle. La façade se lézarde, les poutres sont consolidées tant bien que mal. Pourtant, elle semble toujours utilisée avec son mobilier rudimentaire, sa photo bien ancienne du pape Jean-Paul II et quelques images de la vierge. A l’ombre d’un manguier, nous dégustons un fruit. Plus loin encore, aux abords du village de Rapale, nous assistons au rituel de l’eau. Nous avions déjà vu beaucoup de monde sur les pistes avec des bidons mais pas encore de pompe. A l’exception d’un jeune garçon, cela semble être exclusivement une corvée féminine qui rassemble tous les âges. La pompe mécanique semblant hors d’usage, c’est en descendant un seau dans le trou qu’elles récupèrent le précieux liquide. Tout ceci se déroule sur fond de village traditionnel et de bananiers. Régulièrement, depuis hier, nous croisons et recroisons la voie ferrée sans vraiment pouvoir imaginer qu’elle serve encore. Et finalement, au moment où nous faisons une pause, nous entendons le sifflement caractéristique d’une locomotive ayant toutes les peines du monde à avancer. Apparaît alors au bord de la piste un train hors d’âge transportant des passagers. Par la suite, nous aurons l’occasion de voir à deux reprises un train de marchandises tout aussi antique.

Enfin, après plusieurs heures d’effort, nous atteignons enfin Nampula, la plus grande ville du Nord. L’atmosphère y est de suite différente : plus bruyante et plus grouillante comme on imagine les villes africaines. Nampula est aussi synonyme de bitume. Désormais, fini la piste (qualifiée de route nationale sur les cartes !!), place aux routes goudronnées. Nous poursuivons ainsi plein est, vers l’océan indien. C’est ce moment que nous choisissons (ou subissons ?) pour somnoler, bercés que nous sommes par le train du 4*4. Sans Fred, nous aurions manqué les premiers baobabs en fleurs. Il est surprenant de voir ces arbres sans la moindre verdure mais avec des fleurs ! Mais bizarrement, la fleur commence par être une énorme coque avant d’éclater en une grosse fleur blanche.

Depuis Nampula, nous sommes aussi entrés dans la zone de production de la noix de cajou. De jeunes gens surgissent de toutes parts pour vendre leur récolte aux véhicules qui passent. J’ai parfois l’impression qu’ils toréent les voitures dans leur tentative de vente.  Rapidement, nous faisons une halte pour faire notre stock. Il faut quand même dire qu’elles sont bien meilleures que celles qu’on pourrait trouver en France. Selon les petits vendeurs, vous pouvez acheter à la coupelle ou bien à la bassine. On s’adapte à vos envies ! Plus loin, nous pénétrons dans une zone de production de charbon. Les sacs et les tas de bois sont présents en nombre le long de la route, non loin des cases. Il suffit de s’arrêter pour que le vendeur surgisse de nulle part.

Nous poursuivons vers notre but ultime, une des perles du Mozambique, classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1991. Après avoir longé quelques marais salants, nous finissons par apercevoir l’océan indien, et au milieu apparaît Ilha do Mocambique, ancien comptoir portugais et première capitale du pays. Mais pour l’instant, nous ne ferons que la voir de loin.

Arrivés à quelques pas du pont, nous bifurquons sur la gauche pour atteindre le camping Casuarina. L’endroit idéal : une plage de sable fin, des palmiers, et vue sur l’île. Que demander de plus ? Peut être de la pression dans la douche mais ce n’est pas bien grave ! On fera bien avec ! Une fois la tente montée, la baignade paraît une fois encore incontournable. Surtout quand je me rends compte que c’est un vrai bouillon. Jamais auparavant je n’avais trouvé la mer aussi chaude. Même l’air un peu venté semble plus frais ! Quel pied ! C’est presque trop ! Mais cela fait le plus grand bien après ces deux jours de piste. Et puis c’est la première fois que je me baigne dans cet océan (et une mer de plus à mon tableau !). Nous voici bien installés pour quatre jours. Le repas se révèle piégeux avec des saucisses sud-af’ plutôt relevées ! Mais quel régal quand arrivent les mangues ! Voici une cure intéressante à suivre. Vivement demain que nous découvrions l’île de l’intérieur.


Vendredi 20 octobre, Ile de Mozambique


Une fois encore le réveil est très matinal, bien plus que l’heure prévue. Malgré tout, le soleil est déjà levé à 4h45 !! Mais la brume matinale empêche de l’apercevoir. Nous n’avons pas tardé à nous caler et à vivre avec le soleil, chose qu’on ne fait pas chez nous. Le bivouac était bien tranquille, surtout avec les bouchons d’oreille.

Ce matin, nous allons enfin aborder l’île. Pour cela, il faut emprunter l’unique pont long de quatre kilomètres. Pourtant, quand on le regarde depuis le continent, il ne paraît pas si long. Après vous être acquitté d’une sorte de péage (10000 meticais l’aller-retour, soit environ 30 centimes d’euro), un garde vous lève la barrière. Mais il faut respecter le gabarit pour pouvoir continuer. Il y a une excellente raison pour cela : le pont a été construit avec une seule étroite voie de circulation, mais on peut y circuler à tout moment dans les deux sens. Ceci explique les quelques élargissements, seul moyen pour que les véhicules se croisent. Et encore faut il que les gens acceptent de se serrer ou de reculer si nécessaire. Et le petit jeu consistant à traverser sans s’arrêter ou reculer, on peut assister de temps en temps à un blocage complet du pont ; ne comptez pas sur la police, elle n’est pas là pour faire la circulation ! Autant dire que les traversées peuvent se révéler folkloriques, et le temps de trajet minimal ne descendra pas au-dessous de cinq minutes mais restera toujours très fluctuant. Heureusement que les véhicules ne sont pas trop nombreux, principalement des pick-ups et petits camions locaux, chargés jusqu’à la gueule de passagers et de marchandises diverses. Les touristes ne s’y font que très rares. La plupart des traversées se font soit à vélo, soit à pied, là encore en transportant toutes sortes de choses.

Arrivés à la sortie, nous devons nous acquitter d’une nouvelle taxe journalière, visiblement réservée aux visiteurs étrangers mais pas systématique non plus (allez comprendre !!) de 10000 meticais aussi. Espérons au moins que cela serve à la restauration de la ville qui en a bien besoin. Nous l’abordons par son extrémité sud. Il ne reste plus qu’à traverser la ville. La première partie présente très peu d’intérêt et semble manquer de sécurité. Elle se compose d’un habitat de taudis sans grande hygiène. C’est pourtant là que vivent la plupart de la dizaine de milliers d’habitants. On parle de ville basse, ou « cidade de macuti », ou encore ville de paille, car l’endroit servit de carrière pour construire la ville coloniale de la partie Nord ainsi que le fort.

Nous nous sentons vraiment touristes : les blancs sont excessivement rares, noyés dans une relative foule mozambicaine. Une main suffit pour les compter chaque jour. Néanmoins, cela se passe très bien. Il n’y a pas réellement de harcèlement du touriste, juste des jeunes qui essaient de vendre leurs colliers de perles (récupérées sur les plages) ou de se proposer comme guide. Mais ça ne dure jamais très longtemps si vous déclinez l’invitation. Est ce ma carrure ? Toujours est-il que je suis moins accosté que les autres !!!

Passée l’ancienne église, nous entrons dans la ville coloniale (encore appelée « cidade de piedra », ville de pierre). C’est vraiment la partie la plus intéressante pour les rares touristes de passage. Fred nous dépose à l’extrémité Nord de l’île, devant le seul hôtel de l’île, l’Omuhipiti. Pendant que nous partons à la découverte des lieux, il part s’occuper de la logistique pour les jours suivants.

Tant qu’à être à la pointe, nous commençons notre visite par le fort de São Sebastião. Il occupe toute la pointe Nord. Le premier aperçu laisse une impression d’architecture Vauban. Avant d’y pénétrer, nous profitons de la marée basse pour en faire le tour par l’extérieur. C’est l’occasion d’observer plusieurs pêcheurs en action dans leurs pirogues ou en pleins préparatifs. En levant les yeux, nous apercevons les bouches des canons déposés sur le chemin de ronde. Malgré tous nos efforts, nous nous retrouvons bloqués à hauteur du second angle, sur le bastion. De ce côté-ci, l’eau baigne encore la base du fort et le corail acéré ne permet pas de tenter une traversée acrobatique. Nous nous contentons de regarder la chapelle toute blanche bâtie sur le bastion suivant, à l’extérieur des murs, juste au-dessus de l’eau. En nous retournant, nous constatons qu’un petit arbre pousse au sommet du mur accroché à la façade, les racines poussant dans les anfractuosités de la muraille. Nous n’avons plus qu’à rebrousser chemin pour retourner à l’entrée de la forteresse. Ce bâtiment fut la pièce maîtresse de la défense de cette capitale. Jusqu’en 1763, le fort servi de résidence au gouverneur. Il servit aussi de prison, ainsi que de réserve d’esclaves. Mais toutes les tentatives d’invasion, qu’elles soient hollandaises, françaises, arabes ou autres, restèrent infructueuses.

Passage obligé sous la couronne portugaise qui a sa place au-dessus du porche d’entrée. Nous sommes d’abord très surpris du nombre de gens qui y pénètrent. Vraiment étrange ! Dès le porche passé, nous constatons en fait qu’une école secondaire occupe les lieux ! L’animation est ainsi assurée ! L’intégralité des bâtiments implantés à l’intérieur des murailles est peinte en blanc, ce qui donne, avec le soleil, une luminosité impressionnante, voir trop intense. Dès la sortie du porche, sur la droite, une maquette permet de se faire une idée des lieux. Son état est malheureusement à l’image du reste : laissé à l’abandon sans entretien. Nous voici libres de découvrir l’endroit. Néanmoins, vous avez la possibilité de vous faire conduire par un guide qui semble anglophone, du moins un minimum ! Après un rapide aperçu des premiers bâtiments sur la droite qui laissent l’impression d’un site quasi à l’abandon, nous nous dirigeons rapidement vers le chemin de ronde. Ainsi, nous pouvons profiter tout à la fois de la vue sur la cour intérieure et des nombreux points de vue sur l’extérieur. Surtout qu’avec sa situation, le fort offre une vue à quasi 360°. Néanmoins, là encore, nous constatons à regret que le site décline. Et les quelques restaurations effectuées laissent aussi à désirer. J’en veux pour preuve les affûts des canons en vulgaire ciment ou en bois vermoulu. Heureusement, les canons eux-mêmes sont anciens : la plupart sont datés de 1823-1824 avec les armoiries de la couronne portugaise.

Après ce tour d’environ une heure, nous finissons par redescendre pour jeter un dernier coup d’œil aux bâtiments intérieurs. L’église est devenue une sorte de d’amphithéâtre pour étudiants ; quant aux classes, elles semblent installées dans les salles en moins mauvais état. Au centre de la cour, l’énorme puits a été recouvert par un large podium, le masquant quasiment à l’œil du visiteur. La chaleur aidant, nous finissons par mettre un terme à notre visite. Nous attendons d’ailleurs la sortie pour nous acquitter du droit d’entrée (seulement 3$ ou 50000 meticais). Il est possible de prendre un billet permettant l’accès au musée mais nous n’en avons pas vu trace !

Une fois dehors, nous reprenons notre contournement mais par l’Est cette fois, le but étant d’atteindre la chapelle de Notre Dame de Baluarte (dit-on la plus ancienne église catholique du Mozambique). Celle-ci est installée sur le dernier bastion au Nord ; il faut grimper sur les coraux érodés mais acérés pour l’atteindre. La porte en est fermée mais nous parvenons néanmoins à distinguer l’intérieur. Son plafond est une voûte en croisée d’ogive, l’ensemble des murs étant recouvert de blanc. Sur ce coup-là, nous ne sommes qu’entre hommes, du fait d’une incompréhension très féminine !

A partir de ce moment, nous commençons à explorer plus individuellement, du moins en ce qui me concerne. Après quelques pas sur le front de mer, côté océan, je finis par obliquer sur la droite juste après ce qui semblait servir de cinéma et de théâtre. Les rues sont souvent simplement constituées de terre et de sable. Rarement un trottoir existe encore pour le piéton. Quoi qu’il en soit, on ne craint pas grand chose à marcher au milieu de la rue, vu le faible nombre de véhicules. Les façades et les clôtures rappellent un lointain passé colonial. Peu de choses sont faites pour conserver ce trésor en état. En revanche, la végétation ignore ce fait et continue à croître : ainsi les bougainvillées rajoutent des couleurs plus vives à ces façades défraîchies. Après une église d’un blanc immaculé apparaît une sorte de clocher orné de rouge. Il s’agit en fait du palais de São Paulo qui fait face au continent. D’abord collège de jésuites puis résidence du gouverneur général, le bâtiment abrite désormais un musée. Sur la place juste devant trône un massif Vasco de Gama sur sa stèle tout près d’un kiosque à musique très kitch avec ses couleurs rose et verte. La jetée située non loin est en grande partie écroulée, à se demander comment les gens parviennent au bout. Nombre de poutres métalliques sont corrodées à un stade avancé, autant dire que je ne tente pas l’aventure, même si après quelques mètres, cela semble plus solide.

En continuant plus au sud par le chemin côtier, face au continent, je tombe d’abord sur quelques agréables espaces verts avant de me retrouver au milieu de chantiers de restauration (voilà tout de même un aspect rassurant). Le chemin débouche non loin de la capitainerie : la façade toute blanche flanquée de ses deux ancres et de ses deux canons, encadrant une arche est plutôt engageante. Par contre, je constate rapidement qu’il n’y a rien derrière, seulement quelques habitations de bric et de broc ! Ici s’arrête la progression de la matinée. L’heure du rendez-vous avec Fred approche. Je rebrousse chemin en utilisant une nouvelle rue possédant une série d’arcades à l’ombre. Une ombre bienvenue ! Au loin, j’aperçois Nadine et Nelly, ce qui me permet de rejoindre le reste du groupe.

Après un nouveau passage devant le palais, nous repartons en direction de l’hôtel. Au passage, nous admirons cette allée ombragée dont les arbres servent de support aux figuiers étrangleurs. Le résultat est assez impressionnant. Après quelques minutes d’attente sur le parking de l’hôtel, nous remontons dans le 4*4 pour retourner au camp. Nous y resterons le temps de l’heure chaude. La plupart en profite d’ailleurs pour effectuer une première corvée de lessive. Séchage rapide garanti !

Déjà 15 heures, il est temps de retourner sur l’île. Pour cette fin d’après-midi, nous avons opté pour un programme différent. Fred nous dépose juste à l’entrée de l’île avant de rentrer. Nous allons en profiter pour explorer cette pointe sud. En premier lieu, nous flânons dans le cimetière qui entoure la petite église (une de plus !). L’entretien semble là-aussi restreint mais les nombreux frangipaniers en fleurs lui donnent un cachet certain. Quant à l’église elle-même, elle semble visiblement inutilisée et surtout fissurée pour ne pas dire plus. En effet, un arbre a poussé au sommet du mur et ses racines éventrent inévitablement la construction. Juste à l’arrière du bâtiment, une tombe imposante et originale attire notre attention : il s’agit tout simplement d’un bateau tout blanc de plusieurs mètres de haut (un pêcheur ? un marin ?). A l’inverse de l’église, les tombes semblent relativement bien entretenues. En traversant le cimetière, nous aboutissons à un point de vue intéressant sur le fort de São Lourenço, un tout petit modèle, toujours dans le même style, mais cette fois sur son propre îlot à quelques dizaines de mètres pour assurer la défense au sud de l’île. Nous constaterons par la suite qu’il suffit d’attendre la marée basse pour le rejoindre (j’imagine qu’il était ravitaillé ainsi).

Disposant d’un peu de temps, nous poursuivons par le front de mer face océan. Nous longeons ainsi le quartier de Macuti qui correspond bien à la description qui nous en a été faite. L’endroit est bien peu accueillant. On voit régulièrement les habitants traverser jusqu’à la plage, qui pour vider un seau d’eaux usées, qui pour y faire ses besoins (c’est d’ailleurs pour cela qu’il est fortement déconseillé de se baigner dans cette partie de l’île). Nous finissons par aboutir à une nouvelle église toujours aussi blanche, mais peut être plus belle avec cette lumière de fin d’après-midi. Elle trône sur le promontoire qui termine la petite baie de la côte Ouest. Les couleurs variées des bateaux, le vert de la pelouse et des palmiers, le blanc de l’édifice et le bleu du ciel offre un mélange agréable à l’œil, surtout avec cette lumière qui commence à décliner.

Il est temps pour nous de rebrousser chemin car nous avons choisi de retraverser le pont à pied, histoire de nous rendre compte réellement  de sa longueur, le mieux étant d’attendre la fin de la journée pour moins souffrir du soleil. Dans un premier temps, le pont offre un parfait belvédère pour admirer et immortaliser le petit fort ainsi que tous les bâtiments qui font face au continent. Puis, petit à petit, nous faisons plus attention aux gens autour. Le mouvement semble perpétuel au moins jusqu’à la nuit. Surtout des piétons et des bicyclettes, mais aussi quelques voitures et camions. Ici ce sont quelques jeunes garçons qui pêchent avec un simple fil. Là des paniers remplis d’appétissantes mangues qui avancent sur la tête de deux hommes. Certains quittent leur boulot pour rentrer sur le continent. D’autres au contraire rejoignent leurs familles sur l’île. Une nuée d’ouvriers chargés de la réfection du pont charge un pick-up à son maximum. Comme tout le monde nous suivons le rythme, tels des touristes en ballade, attentifs à tout ce qui se passe autour. Arrivés à mi-distance, nous apercevons avec Nadine ce que nous pensons d’abord être une tête de tortue. Aux apparitions suivantes, nous constatons qu’il s’agit en fait d’un dauphin, et plus précisément d’un dauphin à bosse qui ne saute pas hors de l’eau : seul apparaît son aileron et le sommet de sa bosse. Après quelques minutes d’observation, nous perdons sa trace et repartons vers l’extrémité du pont. Finalement, juste après le coucher du soleil, nous atteignons enfin le continent et la plage du camping, juste en contrebas.

Après un apéritif pris sous l’auvent de palmes tressées mis à notre disposition, Fred nous invite à rejoindre le petit restaurant du camp. Le menu est alléchant avec de succulentes gambas locales accompagnées de riz et un petit vin blanc sud-af’ pour agrémenter le tout. Le repas commence et se termine par un rituel de lavage des mains à l’aide d’un pichet présenté par le serveur au-dessus d’un bassin. Nous pouvons alors déguster goulûment le plat, ce qui donne lieu à débat entre toulousains et autres sur la manière de les manger. C’est le début d’une longue série de fous rires. Nous aurons même droit à une tentative de pyromanie de la part de Michel. Il est temps que tout ce petit monde aille se coucher pour arrêter de dire des bêtises. Mais que cela fait du bien de rire ainsi !


Samedi 21 octobre, Ile de Mozambique


Nouveau réveil aux aurores. Pour une raison que j’ignore, je me réveille aux alentours de 4h30, sans être fatigué ! Et en plus, il fait déjà jour à ce moment-là. Le soleil se lève en principe quelques dizaines de minutes après. Suite au petit déjeuner pris sous la paillote, nous retournons sur l’île.

Ce matin, nous partons en bateau vers le large dans l’espoir d’apercevoir des baleines qui remontent à cette période de l’année le canal du Mozambique pour venir s’accoupler ou mettre bas dans ces eaux chaudes. Pour cela, nous nous rendons au centre de plongée, le Dugong Diving Center, situé de l’autre côté du jardin par rapport à l’hôtel Omuhipiti, non loin du fort. L’établissement est tenu par un portugais digne de confiance. En l’absence de ponton, l’embarquement se fait les pieds dans l’eau en utilisant une échelle de bois, amovible. Il s’agit d’un simple bateau à moteur assez large, et doté d’une toile pour protéger du soleil. Nous partons ainsi vers l’océan. Dans un premier temps, nous contournons la pointe Nord ce qui nous offre de nombreux points de vue sur l’extérieur du fort et le rivage. Puis nous obliquons pour passer entre les îlots de Goa et Sena. Goa, au Nord, paraît assez petite : elle est parfaitement reconnaissable avec son phare carré, strié de rouge et de blanc ; à la pointe, une plage très claire paraît particulièrement attirante. Quant à Sena, plus au sud, elle semble totalement plate mais néanmoins couverte de végétation. Les rouleaux semblent indiquer la présence d’une barrière de corail. Mais l’une comme l’autre apparaissent totalement désertes.

En chemin, nous croisons des bateaux de toutes tailles : pirogues et dhows ; mais aussi barques en commun pour transporter les passagers vers Chocas au nord de la baie. Sur l’horizon, on peut même apercevoir un gros cargo de passage. Mais pour en revenir à notre excursion, la mer bouge de plus en plus, à mesure de notre progression. Nous avançons ainsi à quelques encablures à l’Est d’une ligne formée par les deux îlots. D’abord au ralenti puis moteur coupé, nous essayons de nous concentrer sur la surface mouvante espérant apercevoir le souffle d’un cétacé. Malgré toute notre bonne volonté, la nature a décidé de ne point nous satisfaire aujourd’hui ; le changement de position vers Goa n’y changera rien. En revanche, un début de mal de mer commence à atteindre la moitié d’entre nous. Il est temps de remettre le moteur et de retourner au point de départ. Pour se faire, nous contournons Goa par le Nord avant de passer de nouveau devant le fort de São Sebastião. Par contre, du fait de la basse mer, nous devons débarquer un peu plus loin de la plage mais gare aux oursins.

A peine débarqués, nous reprenons notre découverte îlienne. Pour poursuivre la matinée, nous avons opté pour le palais São Paulo. Situé sur la côte face au continent, le bâtiment est immanquable avec sa façade rouge  et ses encadrements blancs. Et de loin, on repère sans difficulté son clocher, dans les mêmes tons. L’entrée du palais se situe en fait à l’angle du bâtiment, l’autre porte sur la façade permettant d’accéder entre autres au pseudo office du tourisme. Je n’ai pas trouvé grand chose à y apprendre. Pour 100000 meticais (soit un peu plus de 3 euros), nous accédons à l’intérieur du palais ainsi qu’aux musées de la marine et des arts sacrés. Le palais se révèle d’abord par un patio ceint d’arcades sous lesquelles sont rassemblées diverses embarcations et quelques rickshaws, parfaits témoins des liens passés avec les comptoirs d’Inde. Un double escalier permet d’accéder aux appartements situés à l’étage. Dans le vestibule occupé par deux chaises à porteur, vous serez invités à retirer vous chaussures : la visite se déroule pieds nus, la plupart du temps sur d’épais tapis. Le conservateur a essayé de reconstituer les intérieurs tels qu’ils pouvaient l’être  au temps de la splendeur d’Ilha de Moçambique. On retrouve donc de nombreuses pièces des 17 et 18ème siècles. Les origines sont vraiment très diverses mais tout de même une place spéciale pour le Portugal (évidemment) et surtout Goa, comptoir portugais des Indes. C’est à cette colonie qu’on doit les nombreux meubles travaillés à l’excès, noirs comme de l’ébène. C’est vraiment trop à mon goût. Lentement, guidés par un vieil homme ne parlant que le portugais (nous communiquons avec un mélange d’anglais, de français et d’espagnol ; et aussi un brin de devinette !), nous traversons tout l’étage, d’abord les chambres des hôtes, puis la salle du trône, le salon de danse (guère meublé que par un piano et quelques banquettes), la salle à manger, la chambre du gouverneur général, sans oublier les cuisines richement équipées et décorées aussi de photos ethniques (je suis tout de même très surpris de la présence au milieu d’un robot ménager d’il y a 30 ans : ça détonne !!). De retour dans le patio, il est possible d’accéder à la chapelle du palais que nous avions entraperçue depuis l’étage. Elle est bien vide hormis un autel de style rococo (me semble-t-il). Une bonne heure est nécessaire pour faire le tour.

Quelques minutes suffisent en revanche pour faire le tour du musée de la marine, dont l’entrée est voisine de celle du palais. On y a regroupé une série d’objets hétéroclites, tous issus de la mer en passant des canons aux outils de navigation, plus quelques maquettes. Après cet intermède muséal, nous reprenons l’exploration de la ville, d’abord en repassant sous les arcades pour atteindre la capitainerie. Plus loin encore, nous parvenons au marché municipal. Celui-ci n’est pas très fréquenté en ce samedi : les chalands se comptent sur les doigts de la main. L’heure avançant, il est temps de rejoindre le véhicule pour retourner au camp où Inno nous a concocté une bonne salade !

Après la pause de l’heure chaude consacrée à des activités diverses, nous choisissons de repartir plus tôt afin d’avoir le temps de visiter le musée d’art sacré sensé fermer à 15h30. Fred nous dépose directement devant pour gagner du temps. Celui-ci se situe juste à l’arrière du palais coincé à gauche d’une nouvelle église. Deux salles renferment une série d’objets liturgiques (dont une caravelle qui tient lieu d’encensoir : tout à fait en phase avec l’histoire de l’île) et de statues en bois polychrome, dont certaines comporte même de l’ivoire, ivoire qu’on retrouve même pour un Christ. Là encore les origines sont soit portugaises, soit de Goa. J’avoue ne pas être un grand spécialiste d’art sacré mais il faut reconnaître que certains objets méritent le détour (là encore le guide n’est que lusophone mais néanmoins très intéressant).

Pendant cette visite, des chants parviennent à nos oreilles. Nous constatons rapidement qu’ils proviennent de l’église voisine. Une dizaine de jeunes filles répètent pour la messe du lendemain. Nous nous installons en silence dans l’église et profitons de leurs agréables voix ainsi que du son du tam-tam. Cela n’a aucune consonance religieuse connue de nos oreilles françaises mais c’est vraiment beau à écouter. Après cet intermède musico-spirituel, nous continuons vers le sud de la ville. A plusieurs reprises nous passons devant des maisons dont ne subsistent que les murs, des arbres occupant l’intérieur. Que cet état de fait laisse une impression étrange, très particulière. Certaines façades sont même attaquées par des racines : la végétation s’agrippe directement à la verticale ! Enfin, nous parvenons à l’hôpital. Son aspect immense et de style colonial en impose. Pourtant à y regarder de plus près, l’édifice blanc du 19ème siècle semble avoir beaucoup perdu de sa superbe. Il est loin le temps où il était le seul établissement hospitalier de toute la côte orientale de l’Afrique. On pourrait même croire qu’il est abandonné alors qu’il tourne au dixième de ses capacités. En le traversant par l’arrière, à travers les différents corps de bâtiment, nous avons la confirmation qu’il sert toujours.

En passant par-là, on finit par déboucher juste au-dessus de la ville de Macuti. Sur la gauche se dresse une nouvelle église, toujours aussi blanche ; c’est d’ailleurs elle qui marque la limite entre les deux villes. Sur la droite, juste au bord de l’eau, s’élève la mosquée verte d’Ilha. Nous n’essaierons pas de nous enfoncer plus avant dans cette partie de la ville. Nous préférons rejoindre la côte orientale pour la contourner. D’ailleurs, à cet endroit, on peut profiter du spectacle offert par les pêcheurs sur fond de palmiers et d’église blanche. A l’heure où nous passons se négocie le produit de la pêche. Les prises paraissent  très variées et de bonne taille. Ici, cela ressemble à une bonite ; là, il s’agit d’un énorme poisson bleu au front surdéveloppé. Discrètement et à leur insu, je réalise quelques clichés au jugé. Les différentes couleurs des embarcations, vives pour la plupart, associées à une superbe lumière rasante offre un beau spectacle, et ce malgré le cadre alentour particulièrement pauvre.

Il ne nous reste plus qu’à rejoindre Fred à l’entrée de l’île. Contrairement aux deux précédentes traversées de la journée, nous ne parvenons pas à franchir la totalité du pont sans nous arrêter (les cinq minutes ne seront pas améliorées). De retour au camp, un bain s’impose dans cet océan toujours aussi chaud. Un vrai régal alors que le soleil est déjà couché. A la fin de l’apéro, Fred nous invite à rejoindre le restaurant du camp. Ce soir, Elena, la patronne, nous a concocté d’excellents calamars farcis aux petits légumes, accompagnés de riz et d’une sauce à base de pois. Ne parlons pas de la présentation digne d’une grande table. Ce soir encore, nous avons droit au rituel du lavage des mains. A la fin du repas, elle nous propose un café dit « mozambicain » bien bon quoi que nous ne saurons pas vraiment comment il est préparé. Sur ce nouveau repas « maritime », nous retournons sous la paillote pour discuter avant que la troupe s’égaille petit à petit vers les tentes. Encore une douce nuit qui nous tend les bras !


Dimanche 22 octobre, Ile de Mozambique


Dernière journée complète près d’Ilha. Une fois n’est pas coutume, ce matin, tout le monde est là tôt au petit-déjeuner. C’est pourtant une matinée où on aurait le temps. A 6h15 (pour un petit-déj’ prévu à six heures !), tout le monde est prêt à partir. Avant de repartir en mer, nous avons une petite heure à tuer. Fred nous dépose à l’angle de ce qui fut le cinéma-théâtre de l’île (le bâtiment est fermé mais semble encore entier !). De là, nous rentrons directement dans le cœur de la ville. Je guide les autres jusqu’au bâtiment du tribunal. L’édifice pourrait sembler ne pas servir à voir son aspect, et pourtant c’est le contraire ! Une porte entrouverte à droite du bâtiment permet d’apercevoir un sympathique patio, certes décrépi mais encore debout. Les pièces tout autour semblent servir de résidence à plusieurs familles. Nous repassons devant l’église d’hier où va bientôt se dérouler la messe. Nous flânons ainsi aux environs du palais, découvrant encore de nouveaux bâtiments dignes d’un cliché (même si certains diront qu’une telle décrépitude ne le mérite pas).

Après cette petite mise en bouche matinale, nous rejoignons le centre de plongée vers 8 heures. Une nouvelle sortie est prévue en bateau mais cette fois, cela devrait aller mieux. Un simple tour de l’île est prévu avec une pause snorkeling. Cette fois, l’embarcation est un peu plus grosse pour embarquer au besoin du matériel de plongée. Mais pour l’atteindre, il faut d’abord embarquer sur un petit rafiot avant de transborder. Enfin, nous prenons la mer avec aux commandes, Cakou, le patron portugais du centre en personne. A vitesse réduite, il nous emmène le long de la côte occidentale vers le sud, entre île et continent. Cette ballade nous permet d’avoir un autre point de vue sur la ville en voyant les bâtiments sous un autre angle, impossible à obtenir autrement à terre. Nous voyons ainsi un peu mieux les anciens entrepôts, la jetée et autres maisons dont nous constatons que pour certaines elles semblent rénovées. Mais l’aspect général reste le même : une ville-île qui mériterait une forte mobilisation pour sa préservation et sa restauration ; pour éviter ces maisons vides, voir même dépourvues de toit et envahies par des arbres. Progressant ainsi, nous finissons par atteindre le pont et y passer dessous ! Sous cet angle, il paraît encore plus étroit. Vient ensuite le tour du for de São Lourenço. La marée basse ayant découvert un passage entre l’îlot et l’île, nous sommes contraints de le contourner. Du côté est de la ville, nous naviguons un peu plus loin de la côte, toujours à cause de la marée qui révèle des hauts fonds. Néanmoins, là encore, les points de vue sont intéressants, quoi que lointains. Nous finissons ainsi par revoir la citadelle. Mais c’est le moment que choisit Cakou pour s’éloigner encore du rivage. En fait, il cherche à mettre à l’ancre son bateau non loin d’un récif corallien « habité ». Hormis Michel, nous nous mettons tous à l’eau avec masque, tuba et palmes, tandis que Cakou et un client anglais partent en plongée.

Après quelques battements, le sol finit par se rapprocher : le fond est couvert d’anémones. Parmi elles se sont posées des étoiles de mer conséquentes, blanchâtres avec les crêtes et les excroissances soulignées de rouge. Il en existe une autre espèce bleu-orange beaucoup moins belle et sans le moindre relief. En étant attentif et concentré, je finis par apercevoir un puis deux puis des dizaines de poissons très colorés. Le plus petit, un bleu à queue jaune mesure à peine deux à trois centimètres tandis que les plus gros sont gris anthracite avec une tache blanche, et mesurant plus de 10 à 15 centimètres.. Au-dessus d’un groupe de coraux en forme de boules, ils se rassemblent par dizaines, probablement parce qu’ils s’y sentent plus tranquilles. En particulier, il y a tout un banc de beaux poissons orangés avec les yeux bleus. Régulièrement, j’aperçois aussi des couples : ils sont zébrés de noir et de gris avec un fin liseré jaune séparant chaque rayure. Ils ont tendance à se réfugier dans les trous formés dans le sable. J’ai même la chance de voir un magnifique coquillage porcelaine d’une dizaine de centimètres. Par moments, on se croirait presque dans un aquarium. Par contre, il faut se méfier du courant qui a tendance à nous pousser vers le récif : gare au contact avec les coraux. Ces longues minutes de barbotage ont vite fait de nous épuiser et nous remontons à bord. Peu après, Cakou et l’anglais reviennent de leur plongée. Nous repartons alors pour boucler le tour de l’île. Pendant le trajet, nous discutons avec cet anglais de Bristol dont le projet est d’ouvrir un lodge au bord de la mer plus au nord en Nacala et Pemba. Son dernier souci reste de trouver des investisseurs, rien que ça ! Sinon, il a eu l’énorme chance de voir trois baleines autour du dhow sur lequel il se trouvait dans la baie de Nacala. Après une douche bienfaisante au centre de plongée et quelques emplettes, nous repartons directement au camp. La baignade a dû nous creuser l’appétit car la salade de chou  et de pommes concoctée par Inno est engloutie. Et en plus, elle est parfaitement assaisonnée.

Le programme de l’après-midi est quasiment à la carte. En effet, peu après,14 heures, Nadine et Michel choisissent de rejoindre l’île à pied en plein cagnard, mais heureusement le vent souffle. Le reste du groupe part une heure après en 4*4. Arrivés au bout du pont, nous laissons Claire qui va rentrer à pied et nous récupérons les deux autres pour rejoindre la pointe Nord de l’île. A la base, les filles voulaient aller voir la chapelle derrière le fort. Mais en approchant de la citadelle, nous tombons sur un match de football : les gradins sont pleins. Finalement, il y a bien des gens qui vivent ici ! Nous restons pour regarder  un peu ce qui va se passer. Contrairement à ce que pourrait laisser penser l’île, les deux équipes sont parfaitement équipées avec chacune un jeu de maillots complet et presque tous des crampons, voir même des protèges-tibia. Même l’échauffement est très sérieux. En revanche, le jeu est quelque peu brouillon. Autant les attaquants sont plutôt doués, autant les défenseurs sont de vraies passoires. Le jeu restant désespérément stérile, je fais demi-tour pour flâner une dernière fois dans la ville de pierre. Derniers clichés dans une cité qui semble encore plus déserte que ce matin. Les rares commerces sont tous fermés. Il ne reste plus qu’à rejoindre le front de mer pour attendre les autres. Je me retrouve ainsi sur la placette accueillant la statue de ce portugais anonyme. Quelques minutes plus tard arrivent successivement les filles à pied puis Fred en Toyota. Tandis que Nelly repart au camp en compagnie de Fred, avec Nadine nous attendons en vain l’arrivée de Michel. Nous finissons par reprendre notre chemin sur le front de mer. Le mot « Tata » (le blanc !) jaillit régulièrement de la bouche des petits enfants de Macuti. Dans la baie où sont abrités les bateaux, nous réussissons enfin à voir le produit de la pêche de plus près : une caisse est posée là sans personne au bord du chemin. Il y a là de belles pièces dont une raie et visiblement une bonite. Quelques-uns sont pendus à l’arbre voisin : mélange de rouges, de gris et de tachetés.

Arrivés à l’église de la pointe, nous observons de tout jeunes enfants traînant en laisse des chèvres. Elles ne semblent pas être décidées à se laisser faire ! Les autres sont tout bonnement attachées chacune à leur palmier. Tranquillement, nous atteignons le pont que nous traversons à une vitesse record (seulement 37 minutes !). Il faut dire qu’il fait désormais bon et que nous n’avons pas de photos à faire.

Pour ce dernier soir à Ilha, comme les précédents, nous prenons notre repas au restaurant du camp en compagnie d’Elena. Ce soir, elle a fait préparer des filets de poisson frits accompagnés de riz aromatisé. Elle nous fait aussi découvrir l’apparence des noix de cajou : en fait, il s’agit d’un fruit qui pourrait ressembler extérieurement à un petit poivron jaune ou orangé, en dessous duquel pousse une noix dans sa coque. Pour récupérer la noix, il suffit de la griller pour en retirer la coque. Quant au reste du fruit, sa texture est plutôt râpeuse en bouche. Par contre, le jus qu’on peut en tirer est lui plutôt agréable. Encore une fois, les fous rires sont au rendez-vous, pour changer. On va passer pour des fous à force. Dernière nuit en face d’Ilha do Moçambique, la belle endormie qui se ride. L’endroit était bien agréable.


Lundi 23 octobre, Ile de Mozambique


L’heure de quitter l’île a sonné. De ce fait, l’heure du réveil a été avancée pour pouvoir partir tôt. De toute façon, nous sommes toujours réveillés bien avant. Une fois les tentes pliées et le petit-déj’ avalé, nous reprenons la route en sens inverse. Il faut en effet revenir sur nos pas pour récupérer la route qui monte vers le nord.  En chemin, nous apercevons de nouveau les salines, et de nouveau, manguiers, anacardiers (arbre à cajou), bananiers, papayers, cocotiers et quelques frangipaniers. Les sacs de charbon et les tas de bois sont toujours en vente au bord de la route. Parvenus à Namialo, nous déposons Elena qui voyageait avec nous et obliquons plein nord, direction Pangane. C’est toujours une route goudronnée donc roulante, mais quelques nids de poule sont en train de la dégrader. Cette partie Nord de la région de Nampula semble moins densément habitée ; du coup, les brûlis sont aussi moins nombreux. L’habitat me semble un peu différent avec ces toits qui dépassent des parois des cases, retenus par une série de poteaux formant ainsi une avancée sur tout le pourtour.

En cette fin de ramadan, nous croisons de nombreux groupes de fidèles, autour des petites mosquées, mais aussi en processions très colorées, souriantes et joyeuses derrière un drapeau, au bord des routes. Nous franchissons aussi de nombreux ponts sous lesquels rien ne coule plus ! A part du sable ! Enfin jusqu’au Rio Lurio. Son large lit est loin d’être immergé mais néanmoins l’eau s’écoule. Du coup, il y a beaucoup d’animation entre la baignade, la toilette et la lessive. Ce fleuve marque aussi notre entrée dans la région de Cabo Delgado qui s’étend jusqu’à la frontière tanzanienne. Petit à petit, la végétation change. De nouvelles espèces d’arbres qui me sont inconnues apparaissent à la place des précédentes. Arrivés à Metoro, nous prenons la direction de Pemba pendant quelques kilomètres, jusqu’au village de Sunate où nous reprenons notre route vers le nord, et ce jusqu’à Macomia. C’est là que s’arrête la route pour nous : désormais, nous devons affronter une piste de latérite vers l’océan, plus précisément jusqu’au village de Mucojo. On retrouve là la vraie piste africaine, plus ou moins roulante suivant les endroits. En chemin, nous apercevons quelques babouins dans les arbres. L’un d’eux semble faire des mouvements d’étirements perché dans son arbre, tel un humain ! Plusieurs fois, nous trouvons des bouses d’éléphants bien sèches sur la piste mais aucune trace du mammifère.

A Mucojo la piste se termine. Il faut alors continuer tout droit plein est en suivant le panneau Pangane. S’ouvre alors une piste étroite et sablonneuse. Nous sinuons ainsi entre les arbres, dont beaucoup sont recouverts par une plante parasite qui donne l’impression qu’ils sont chevelus. Puis rapidement, nous abordons une immense cocoteraie. Nichées à l’ombre, un grand nombre de cases occupe le terrain. Il s’agit de villages de pêcheurs qui vivent de ce que la mer leur fournit. Et elle semble généreuse par ici. Nous finissons par apercevoir les eaux turquoises de l’océan. Le mélange des couleurs est splendide avec le bleu azuréen du ciel et le dégradé de verts des cocotiers. Ainsi, nous traversons alternativement zones sauvages et petits villages. Non loin de Pangane, nous apercevons quelques bateaux de pêche amarrés, une petite île est posée non loin du continent. Sur la rive, les pêcheurs vaquent à leurs occupations : certains réparent les filets, d’autres négocient le produit de leur pêche, d’autres encore mettent le poisson à sécher sur des étals. L’odeur est loin d’être du Chanel !!

Finalement, nous commençons à distinguer la presqu’île, but de notre étape. Le cadre est paradisiaque : la langue de sable se rétrécit petit à petit. Océan à droite et à gauche, cocotiers au centre. Nous arrivons ainsi au bout de la partie circulable de la presqu’île, au-delà, c’est de la roche, ou plutôt du corail. C’est là que nous nous installons dans le camp sommaire prévu à cet effet. Après avoir rapidement monté la tente, un bain paraît indispensable dans une eau toujours aussi claire et aussi chaude. Un vrai bonheur ! Après ce petit rafraîchissement, je pars marcher pendant une petite heure sur l’extrémité plus sauvage de la presqu’île. C’est là que j’observe un rollier à longs brins puis une aigrette. J’ai l’impression que le rollier joue avec moi : il me laisse approcher à bonne distance mais un pas de plus et il décolle pour se poser un peu plus loin ; j’avance de nouveau et le manège recommence jusqu’à ce que la végétation m’empêche de poursuivre. Les rives faites de coraux érodés paraissent pour le moins acérées. Heureusement qu’au camp il y a une plage de sable fin quasiment blanc.

Ce soir, nous allons profiter des bienfaits de la mer. La femme du propriétaire du camp nous a concocté un riz à la coco avec du barracuda grillé : elle est pas belle la vie ? La nuit le sera un peu moins avec la visite d’un rôdeur qui essaiera d’ouvrir une tente, en trouera une autre et sera à deux doigts de dérober un sac. Mais finalement, tout s’est bien terminé et nous serons encore plus vigilants pour les jours à venir.


Mardi 24 octobre, Pangane


Après cette nuit un peu agitée, nous nous levons sans réveil. Aujourd’hui, c’est quartier libre. Chacun se lève à son rythme. Après la réparation de ma moustiquaire, nous équipons les tentes avec le surtoit par sécurité.

Je choisis ce matin de tenter d’atteindre l’île qui fait face au village. Mais en attendant que la marée descende suffisamment et dévoile le banc de sable permettant le passage, je commence par remonter vers le village d’abord sur la rive nord, puis rapidement sur celle sud. En cette fin de ramadan, il y a peu d’activité. Peu de gens sont visibles. Quelques pêcheurs ravaudent leurs filets, assis sous les cocotiers, non loin de la plage. Quelques personnes passent avec leurs récipients d’eau hétéroclites. Les gens que je croise se dirigent pour la plupart vers la mosquée pour célébrer l’Aid El Fitr. La marée n’étant pas à l’heure annoncée, je finis par m’asseoir sur un mât posé négligemment à l’ombre d’un filaos. Là, je peux écrire tranquillement, bercé par le bruit de l’eau, et inspiré par les couleurs turquoises. Après quelques longues minutes, un groupe d’enfants finit par s’approcher. Ils semblent particulièrement intrigués par le fait que j’écrive mais ils ne sont pas gênants ; ils discutent entre eux, assis juste à côté.

Finalement, je reprends mon chemin en descendant sur la plage qui commence à être bien découverte à présent. Je tente une première traversée en utilisant le premier banc de sable apparu. Je finis par avoir les chevilles dans l’eau, puis, petit à petit, le niveau d’eau monte aux mollets puis aux cuisses. Je suis contraint de rebrousser chemin sous peine d’être trempé. Du coup, je continue à me balader le long de l’océan jusqu’à apercevoir un nouveau banc de sable qui semble plus important. Pourquoi ne pas réessayer ?

Quelques aigrettes bleues sont déjà en train de se régaler de tout ce que le reflux de l’eau a dévoilé. La progression semble être possible. Tout ne se fait pas à pied sec mais au pire l’eau arrive aux chevilles. C’est là que j’aperçois à plusieurs reprises des crabes qui semblent porter un camouflage pour qu’on les confonde avec le sable. Dès que le sol vibre à mon approche, ils effectuent une vive marche arrière et disparaissent dans le sable. J’ai même la chance de pouvoir observer une anguille d’environ cinquante à soixante centimètres, toute tachetée. Elle se meut tranquillement dans ce filet d’eau. Alentour, d’autres oiseaux se régalent. J’en compte une bonne vingtaine. Finalement, après une bonne demi-heure de marche, je finis par atteindre l’île visée. A part la langue de sable qui en descend sur le côté, le reste des rives semble être intégralement rocheux et découpé. Je commence d’abord par monter dessus car j’ai aperçu quelques cases. Il y a comme un petit village avec une allée bien marquée (et bien propre) ainsi que des plantations à peu près ordonnées. Mais l’endroit semble complètement désert (apparemment, il s’agirait d’un projet de lodge qui peine à obtenir les autorisations). Rapidement, je retourne sur le bord de l’île pour essayer de la contourner. Le sol est presque totalement rocheux, enfin une sorte de corail érodé par la mer. L’espace semble se partager entre les crabes et quelques lézards qui osent s’aventurer en terrain desséché. De nombreux coquillages coniques occupent les trous d’eau près de l’île. Quelques oiseaux s’envolent dès que j’essaie de les approcher pour les identifier.

Incertain des horaires exacts de la marée, je préfère rebrousser chemin avant d’être bloqué par la marée haute. Les oiseaux sont encore plus nombreux : encore des aigrettes bleues mais aussi deux ibis sacrés qui semblent bien mal en point à en voir leur plumage. Dans un filet d’eau, une méduse de quelques centimètres cherche à progresser. Enfin, je parviens à la plage. La température se fait bien sentir sur la terre ferme (enfin, le sable !). Le village ne semble guère plus animé hormis peut être que je vois un peu plus de monde. Néanmoins, la vie tourne encore au ralenti. Le dernier tronçon du chemin est particulièrement suffocant sur les coups de onze heures. D’ailleurs, notre camp tourne lui aussi au ralenti : la plupart sont étendus à l’ombre. Boire est indispensable sous peine de déshydrater : et le goût de l’eau passe assez vite avec le jus de fruit (rapidement, je m’y habitue et n’y fait même plus attention). Le repas, pris sous l’auvent d’une des cases destinées aux visiteurs, sera ponctué par des pâtisseries offertes Hachim , le propriétaire ; des spécialités de la fin du ramadan. Ensuite, chacun cherche un coin de fraîcheur pour se reposer et passer l’heure chaude. Et ce sont les paillotes qui offrent finalement le meilleur résultat !

Vers 14h30-15h, lorsque la chaleur faiblit  un tout petit peu, je me décide à aller prendre un bain qui fait le plus grand bien avec cette chaleur. Le meilleur est finalement lorsqu’on sort de l’eau et que le vent donne cette impression de fraîcheur sur la peau. Je récupère alors masque et tuba pour essayer de voir quelque chose. Rien à signaler sur le fond sablonneux hormis quelques coquillages en promenade. J’essaie alors de me rapprocher des rochers avec un peu d’espoir. Sauf qu’en apercevant de tout petits poissons, je tombe nez à nez avec une méduse, le même genre que le matin. Souhaitant éviter tout contact je recule prestement ; mais je finis par en retrouver une plus loin et je finis par arrêter. C’est en revenant vers le bord que je vois Inno dans l’eau : je crois bien que c’est la première fois. Encore une fois, il me soutient qu’il ne flotte pas (la faute à des os trop lourds !) alors que je lui prouve le contraire. Je finis par essayer de l’aider avec ma main lorsqu’il tente de faire la planche. Mais dès que je la retire, il panique immédiatement et c’est fini. Du coup, nous continuons à barboter avant de nous promener sur la plage. En même temps que nous discutons de choses diverses, il ramasse les plus beaux coquillages pour les ramener au Zimbabwe et prouver que cela existe Nous marchons ainsi un long moment, croisant de nombreux petits crabes qui déguerpissent dans leurs trous à notre approche. C’est sympa de passer du temps comme ça avec Inno, chacun apprenant de nouveaux mots de l’autre, et enrichissant sa culture au contact de l’autre. Vraiment un bon moment !

En ce qui concerne les repas, autant il était très en avance hier, autant aujourd’hui, il est un peu en retard, nous laissant le temps de prolonger l’apéritif. Mais cela valait la peine. Le riz est toujours le même avec sa préparation à la coco. En revanche, l’accompagnement est succulent : du calamar frais débité en morceaux et cuit dans une sauce ; un vrai régal !


Mercredi 25 octobre, Pangane


Contrairement à la précédente, cette nuit a été bien calme, mis à part le chien du voisin qui a aboyé quelques fois. Aujourd’hui, nous devons être prêts à six heures. Fred nous a programmé une sortie en mer. Mais cette fois, elle sera authentique : pas de barque à moteur. Nous nous rendons donc côté village. Il nous faut à peine quelques pas pour traverser l’étroite langue de sable. Et atteindre une des premières embarcations amarrées sur la plage. Nous allons embarquer à bord d’un dhow, l’embarcation traditionnelle ici au Mozambique. En principe, ces bateaux servent pour la pêche mais exceptionnellement, aujourd’hui, elle va servir à promener les touristes. Nous montons à bord du Shukuran (Choukrane : merci en arabe ; il faut préciser que la plupart des pêcheurs de Pangane sont de confession musulmane). Enfin monter est un bien grand mot : chacun fait comme il peut pour grimper à bord,. L’équipage se compose de trois personnes : le capitaine et deux matelots. Pour embarquer, c’est chacun pour soi et surtout comme on peut, les premiers aidant les suivants : il n’y a ni quai, ni ponton et le bateau bouge, alors il faut entrer dans l’eau et parvenir à se hisser à bord. Une fois à l’intérieur, il faut se poser là où il y a de la place tant que la voile n’est pas hissée. Bien évidemment, il ne faut pas chercher de siège ou de banc. Non sans mal, tout le monde finit par embarquer et vogue la galère pour environ quatre heures.

La première opération consiste à hisser la voile fixée à une vergue aussi longue que le dhow, le tout à la force des bras et d’une poulie artisanale reliée au sommet du mât. Ceci fait, la voile et la vergue sont réglées à l’aide de cordage en fonction du vent. Mais pour sortir de la baie et prendre le vent, il faut d’abord pousser. Pour cela, le capitaine utilise une longue gaffe sur laquelle il pousse pour avancer. On comprend mieux leur gabarit avec des jambes fines mais des bras très musclés. Il pousse d’ailleurs tellement fort qu’à un moment la gaffe reste plantée dans le sable : il est alors obligé de plonger pour aller la rechercher puis revenir à la nage vers le bateau qui continue à avancer. Nous commençons par mettre le cap plein est pour passer entre la presque île et la petite île face au village (celle accessible à pied). Nous avons tout loisir  de constater que les eaux sont peu profondes : nous voyons presque toujours le fond. Ayant dépassé l’extrémité de la presque île, l’équipage met cap au nord en une savante manœuvre de la voile prestement exécutée. Désormais, nous voguons vers une autre île un peu plus grande appelée Macaloa ( ??). Il nous faut plus d’une heure pour l’approcher, simplement mus par le vent. Nous croisons ou dépassons des diverses embarcations toutes parties à la pêche. Il y a cette pirogue à balanciers avec sa petite voile moult fois rapiécée ; il y a cette autre pirogue toute simple contenant uniquement un filet. En fait, elle est attachée à la taille d’un plongeur qui est sous l’eau à la recherche de proie. C’est surprenant de voir avancer cette pirogue toute seule ! il y a aussi ces divers dhows ici et là, d’où montent des chants très rythmés pour accompagner l’effort d’une manœuvre.

La mer en elle-même nous offre un beau spectacle. L’éventail de couleurs est superbe. Nous passons d’un bleu sombre à un bleu vert pour finir, par endroits, au turquoise. Un vrai régal pour les yeux. Au bord de l’île, des plages de sable blanc apportent une nouvelle teinte sur fond de verdure. En approchant, nous apercevons des habitations. Tout d’abord des maisons en dur, mais en ruine, dont une aurait appartenu à Vasco de Gama (selon notre capitaine). Un peu plus loin, ce sont quelques cases et aussi quelques rares pêcheurs sur la plage. Mais globalement, l’endroit semble bien désert. Nous longeons ainsi ce bout de terre (ou de sable !!) jusqu’à dépasser l’île. Nous voguons ensuite vers le large. C’est là que les vagues commencent à se former, en plus du soleil qui chauffe ardemment. Il faut dire que seule la voile pourrait procurer un peu d’ombre mais tout dépend de son positionnement. Au bout d’un moment, voyant l’heure avancer, Fred fait comprendre au capitaine qu’il faudrait faire demi-tour. Sinon, nous pourrions passer plus de quatre heures sur l’eau. et voici le dernier virement de bord. Direction notre plage. Nous la voyons, elle n’est pas si loin ! Et pourtant ! Le vent se calme rapidement : résultat, le dhow n’avance quasiment plus. Bientôt, il va falloir se mettre à l’eau pour pousser !! D’un autre côté, avec la limpidité de l’eau,  nous pouvons essayer de voir au fond. Il n’y a guère que Fred et surtout Nadine qui aperçoivent des poissons. Rien pour les autres ! A croire qu’ils étaient imaginaires !

Soudain, une bise légère se lève, gonflant immédiatement la voile. C’est reparti ! En chemin, nous croisons à nouveau des dhows en pleine pêche. Plus près de la plage, nous remarquons d’abord quelques plongeurs affairés autour d’un filet, puis deux dhows. Ils sont en fait en train de mettre en place un filet au large avant de le tirer jusqu’à la plage : un genre de pêche à la senne. Plus près encore du bord, là où l’eau arrive au genou, un groupe de femmes s’affaire. De loin, elles semblent batifoler ! Mais à y regarder de plus près, elles sont elles-aussi en train de pêcher. Elles utilisent deux petits filets rectangulaires. A deux, elles tendent le filet tandis que les autres forment un grand cercle autour avant de se précipiter en faisant le plus de bruit possible vers le filet. Puis elles récupèrent ce qui s’est pris dans les mailles. Et le manège recommence ainsi un peu plus loin. Parmi elles, nous distinguons deux femmes macuas. Celles-ci ont la particularité de s’enduire le visage d’une crème blanche. Elles s’en font un masque tout à la fois de protection et de beauté. Mais il est loin d’être évident d’en faire des portraits.

La chaleur étant bien présente, nous nous empressons de nous tenir à l’ombre pour le repas et aussi pour la sieste. A ce moment de la journée, tout est calme, personne ne bouge beaucoup. Quand la chaleur se fait vraiment trop pesante, un petit bain d’eau de mer, quoi que chaud, fait le plus grand bien. Vers 15 heures, je me lance dans l’exploration de la pointe sauvage de la presque île. Sur le pourtour, à l’aplomb de la mer, le sol est très découpé. Il faut faire attention lorsqu’on marche mais c’est le seul moyen de suivre le bord puisque le chemin s’enfonce à l’intérieur des terres. Petit à petit, le terrain s’adoucit, et les buissons laissent place à des arbres. Quelques bûchers de coquillages intriguent de nouveau (nous apprendrons par la suite que c’est pour pouvoir les casser plus facilement en vue de construire les murs). Sur la droite, une première mangrove semble s’être asséchée. En revanche, la seconde, plus grande, est toujours en eau. de loin, j’y aperçois un ibis sacré au sommet d’un arbre. En approchant pour mieux le distinguer, je me rends compte qu’il y aussi cinq aigrettes blanches sur le même arbre, en train de dormir. Je m’éloigne un peu vers la pointe pas totalement recouverte par la marée qui monte. La courte langue de sable mène à un groupe de rochers coralliens déchiquetés à souhait. On peut observer aussi le croisement des deux courants débouchant des deux côtés de la presque île. Tout près, une petite plage fait face à l’île de ce matin. Je dérange cinq crabes roses qui semblaient vouloir traverser la plage en toute intimité mais que ma présence perturbe. Cette espèce semble vraiment craintive. Tout autant que les mini-crabes blancs qui détalent et s’enterrent dans la partie sèche de la plage. En reprenant ma promenade, je cueille une noix de coco qui n’était pas très haute ; malheureusement, malgré sa couleur jaune, elle se révèlera trop jeune et j’aurais droit aux moqueries d’Inno ! LA seconde moitié de l’île, du moins dans sa périphérie, est beaucoup moins arborée mais toujours aussi rocheuse. Dommage qu’il n’y ait pas eu plus d’oiseaux à observer. Probablement aurait il fallu s’enfoncer dans la végétation ? Quant au chacal aperçu la veille au soir au ras du camp, pas la moindre trace.

De retour au camp, personne : ils sont tous allés voir comment la femme  d’Hachim prépare le repas. Et ce soir, nous allons être servis : la fameuse langouste dont on avait tant entendu parler est au menu. Elles sont de toutes tailles mais toutes bien fraîches et bien bonnes. On entend plus que le bruit des mandibules à table. Nous sommes vraiment gâtés ! Nadine tente une chansonnette que nous arrêtons bien vite de crainte de voir la pluie arriver. On ne sait jamais ! En attendant, nous passons commande pour le repas du lendemain : c’est à la carte. C’est tout juste si on ne demande pas la taille de la « bête » désirée. Sur ce, une bonne nuit de sommeil nous attend : je ne tarde pas à dormir profondément, du sommeil du juste.


Jeudi 26 octobre, Pangane


Comme on pouvait le craindre, Nadine a fait venir la pluie. Elle fut courte mais suffisamment importante pour obliger à mettre le double toit ou seulement la raccrocher après le vent. Mais ce matin, chacun se lève comme il veut. Pas d’excursion programmée. Néanmoins, le réveil n’est pas très tardif : la chaleur montant vite, il n’y a pas de grasse matinée au programme.

En attendant la marée basse, chacun bricole dans son coin ; j’opte pour un rasage sur la plage face à la mer et sous les cocotiers : ça a une certaine gueule, il faut dire ! Vers huit heures, nous nous mettons en route ; le reste du groupe veut partir explorer l’île que j’avais visitée le premier jour. Pour cela, nous traversons l’intégralité du village. Depuis deux jours, il est bien plus animé. Un pêcheur nous montre le petit requin qu’il a attrapé. Plus loin, nous rentrons carrément dans le village pour y découvrir le marché. Il faut dire qu’il n’y a pas grand chose à y acheter, mais il a le mérite d’exister. Puis nous déambulons entre les cases. Je constate par dessus les clôtures que les cours intérieures semblent nickel, parfaitement balayées. Nous passons aussi devant la petite mosquée avant de récupérer la piste principale.

Quelques pas plus loin, une noix de coco tombe d’un arbre, puis une palme ! il s’agit non pas du vent mais d’un homme en train de faire sa cueillette. Il fera ainsi sur trois cocotiers d’affilée. Il réussit à grimper simplement équipé d’une boucle de corde qu’il bloque au niveau des chevilles et d’une machette dans la main droite. sa dextérité et sa facilité sont stupéfiantes. Et ainsi, il fait l’animation tant pour nous, touristes, que pour les autres villageois. Non content de cueillir, il entretient les cocotiers en les débarrassant des palmes sèches. Puis ce sont deux jeunes garçons qui finissent par nous suivre. Parvenus au point de départ de la ballade, les filles se lancent dans un foot improvisé avec les deux jeunes : une toute petite coco fait office de ballon ! Après leur avoir donné mes indications, je rebrousse chemin en revenant par la plage. De nombreux coquillages traînent sur le sable mouillé. Quelques oiseaux dont trois ibis sacrés se régalent au bord de l’eau. Les plongeurs au harpon partent eux aussi, à pied, vers l’île.

Arrivé à la presque île, je choisis de la contourner par la mer en profitant de l’espace dévoilé par la marée descendante. D’abord cassant et acéré, le sol finit par s’adoucir. De nombreuses mares se forment. La plupart du temps, on y trouve ces coquillages coniques ou aussi des crabes bien craintifs quoi que combatifs dès que j’approche (ils dressent leurs deux pinces vers le ciel, probablement pour tenter de m’impressionner !). Plus rarement, quelques poissons se montrent, mais ils ont tendance à fuir dès la moindre onde quelques mètres alentour. Souvent, j’aperçois des étoiles de mer entièrement noires, aux bras très fins ; elles semblent particulièrement fragiles. A la pointe, le banc de sable s’est totalement découvert. On pourrait presque rejoindre l’île de Macaloa à pied. Le chenal qui reste est assez étroit. Finalement, je rejoins le camp par la mer après cette boucle les pieds dans l’eau.

Dans l’après-midi les autres ont choisi d’aller sur l’île de Macaloa en dhow. N’ayant pas vraiment le pied marin, j’ai préféré passer mon tour, surtout que la surface a l’air de bien bouger et le vent est contraire. Du coup, cal m’offre un bon moment de fou rire lors de l’embarquement de la troupe devant le camp. Et que dire du cap pris : l’île paraît toute proche mais ils cinglent à 90° plus à l’ouest et ils s’éloignent, s’éloignent !!! Il leur faudra ainsi près d’une et demie pour atteindre cette île distante d’à peine trente minutes (les aléas des vents). Tout ça en vain car un garde leur interdira de débarquer au prétexte que c’est une propriété privée.

De mon côté, j’attends 15h30 pour aller marcher sur la plage nord de Pangane. L’activité y est assez limitée à cette heure. Par contre, j’arrive à approcher d’assez près un groupe d’aigrettes bleues. Elles sont en tout une quinzaine sur la longueur de la plage. Il faut faire attention aux amarres des dhows qui montent et descendent au fil du flux et du reflux. Gare à ne pas trébucher ! Au bout d’un moment, je me décide à obliquer vers la terre mais j’ai l’impression d’avoir trop dépassé le village. Les cases sont lointaines. Je me retrouve près d’un cimetière très sommaire. Tout à côté émerge de la végétation un bout de ruine à colonnades avec des ouvertures qui pourraient laisser éventuellement penser à une ancienne chapelle. Un peu désorienté, je retourne sur la plage pour revenir sur mes pas. En chemin, j’aperçois trois petits garçons s’amusant follement avec un semblant de cerf-volant. Plus loin, des jeunes gens plus âgés taquinent le ballon de foot de manière assez adroite sur l’incontournable terrain du village. En fond, les femmes sont encore de corvée d’au à la pompe. Les couleurs avec cette lumière déclinante sont encore une fois superbes. Je retrouve ce même éclairage après avoir rejoint l’autre rive du village. Une dernière fois, j’immortalise la presque île. Le fameux axe permettant d’apercevoir la presque île et la mer des deux côtés se révèle enfin ! Dans l’eau, quatre jeunes s’éclatent dans un dhow amarré avant de patauger dans une pirogue à la limite de couler ! Les remontrances sont sérieuses lorsqu’un adulte s’en rend compte. Ailleurs, ce sont trois petites filles qui s’amusent avec peu : elles aimeraient être prises en photo. Derrière, deux autres garçons s’amusent avec leur vélo. En fait, il suffit de s’asseoir dans un coin et de regarder la vie s’écoulait autour de soi.

C’est en retournant au camp que j’aperçois le dhow rentrant au bercail : fin d’une après-midi de navigation apparemment mouvementée. Pas de regrets d’avoir évité cela ! De retour au camp, nous constatons l’arrivée d’un couple de routards italiens. Arrive l’heure du dernier repas au bord de l’océan indien. Comme commandé, chacun reçoit ce qu’il désirait. Certains se délectent d’un kingclip grillé tandis que nous sommes trois à poursuivre sur la langouste accompagnée cette fois de pommes de terre bouillies et frites, et toujours du riz. Toujours aussi bonne même deux jours d’affilée. Pendant le café, je lève encore une fois les yeux au ciel pour admirer cette voûte céleste. Les étoiles sont innombrables, la Voie Lactée est en partie visible et pour couronner le tout, des étoiles filantes passent chaque soir. Voici qui fait un des charmes de l’Afrique Australe.


Vendredi 27 octobre, Pangane


Dernier réveil au bord de l’océan indien. Nous quittons aujourd’hui ce « petit coin de paradis » pour entamer notre trajet de retour vers le Malawi. Celui-ci se fera en plusieurs étapes. Pour l’heure, nous reprenons la piste sablonneuse qui nous ramène à Mucojo. Nous faisons une halte au bord de l’étang peu avant le village. Nous y apercevons quelques jacanas pratiquant leur activité favorite : marcher sur l’eau. a la lisière des joncs, un héron à dos noir semble être à l’affût, il ne bouge pas d’un pouce. Un peu plus sur la droite, c’est un ibis sacré qui pêche tandis qu’un petit cormoran reste dubitatif au bord de l’eau. Enfin, nous parvenons à Mucojo ; un bon groupe de femmes accompagnées de très jeunes enfants attendent devant le dispensaire.

C’est de là que nous reprenons la piste de latérite. Toujours pas d’éléphants, même plus de trace. En revanche, nous apercevons quelques vervets qui détalent lorsque nous stoppons le véhicule. Mais, nous verrons surtout des oiseaux. Cela commence avec un touraco à huppe splendide : en vol, il est immanquable avec ses ailes rouges. Malheureusement, il se cache immédiatement dans le feuillage dense. Ca n’aura été qu’un aperçu. De même que pour le merle à dos pourpre (ou spréo améthyste si on suit la taxinomie française) qui nous coupe la route. Son dos pourpre au-dessus de son corps blanc en font un bien bel oiseau. Quant aux petits guêpiers, ils sont bien trop mobiles pour qu’on puisse faire mieux que les apercevoir. Ainsi sans y faire attention, nous atteignons Macomia qui signifie la fin de la piste et le retour sur le bitume. Nous reprenons ainsi le chemin parcouru quelques jours plutôt. Arrivés à Sunate, nous prenons vers l’ouest jusqu’à Metore où enfin nous empruntons une nouvelle route, celle de Montepuez. En route, nous apercevons deux babouins profitant de l’absence des villageois pour dérober quelque chose à leur goût. Reconnaissons que sur une bonne partie du trajet, on n'entend pas une mouche voler dans le 4*4. Hormis Fred, tout le monde somnole, comme bercés !

Ce n’est qu’à la pause pique-nique que tout le monde émerge. Un vieux manguier nous offre son ombre protectrice. En attendant que le repas se prépare, nous entamons avec Nadine et Nelly un semblant de pétanque à l’aide de petites mangues, le tout sous l’œil mi-amusé, mi-intrigué des villageois voisins. Pour eux, notre pique-nique est une véritable attraction. Ils n’en louperont pas une seconde. Montepuez, dernière ville digne de ce nom avant la piste, sert à faire le plein des véhicules. Dès la sortie de la ville, fin du bitume et de la bonne route.

Nous sommes désormais sur une piste bien rouge. Les villages semblent d’ailleurs préférer les habitations en dur à celles en torchis. Mais comme partout ailleurs, les toits de chaume sont en réfection. La végétation change un peu : les anacardiers ont disparu. Quelques bananeraies au début, mais surtout de nouvelles essences. Rapidement, en bordure du ruban rouge, nous voyons apparaître des champs de coton. Nous finissons même par croiser des camions chargés au maximum de ballots de la blanche fibre. Les montagnes rocheuses ont aussi refait leur apparition mais elles paraissent plus douces. Peut être s’intègrent-elles mieux dans le paysage ? La piste nous réserve aussi quelques surprises. A deux reprises, nous sommes amenés à passer à côté du petit pont, celui-ci étant dans un sale état. A Balama, c’est un agent de police qui nous arrête : nous roulions à droite suite à un petit chantier alors que la conduite est à gauche dans ce pays. Plaidant l’origine française et le caractère touriste, et présentant nos plus plates excuses, il finit par nous laisser partir sans la moindre amende, nous souhaitant même un bon voyage. Plus tard, c’est la piste elle-même qui nous joue des tours. La piste principale dévie de la direction ouest que nous devons suivre. Plusieurs fois, nous sommes obligés de nous faire confirmer la direction de Marrupa par des locaux.

Enfin, au deuxième essai, nous finissons par trouver un bivouac sur un ancien brûlis assez « propre ». A peine installés, nous avons une vingtaine de spectateurs sortis de nulle part. notre installation de tentes et nos comportements semblent les amuser au plus au point. Ce n’est qu’à la nuit tombante qu’ils daigneront repartir ; ils auront néanmoins tout le temps garder le distance, un homme semblant jouer le rôle de chef. Nous sommes très surpris de sa surprise lorsqu’il découvre les allumettes que lui offre Fred pour allumer sa cigarette. C’est visiblement les premières qu’il voit. On peut imaginer ce que ressentirait un animal au zoo, la cage en moins. Enfin seuls, nous pouvons passer aux choses sérieuses : après la soupe vient la dégustation de la spécialité African Escapades : la potée. A reprendre trois fois : chaque fois avec un goût différent de l’assiette précédente !


Samedi 28 octobre, quelques kilomètres à l’ouest de Balama


Cette nuit fut apparemment profitable pour tout le monde : le sommeil était au rendez-vous pour chacun. Comme c’était prévisible, les villageois voisins ne tardent pas à revenir dès que nous plions nos tentes et prenons notre petit-déjeuner. Nous sommes décidément le centre d’animation du coin. Il y a fort à parier qu’ils n’ont jamais vu de blancs installer leur « village ambulant » dans leur champ. Cela risque de rester longtemps dans leur mémoire.

Nous reprenons donc notre progression vers l’ouest. Le rythme est particulièrement lent. Il faut dire que c’est la vraie piste africaine sinueuse à souhait, et ravinée la plupart du temps. Authentique au possible ! Souvent de nouveaux bouts de piste ont été ouverts pour contourner les obstacles. Je me demande s’il n’y a pas plus de contournements que de piste « normale » ! Du coup, nous plafonnons à une moyenne de 15-20 km/h (et ce, durant toute la matinée !!). Dans les quelques villages que nous traversons, c’est à chaque fois la grande animation : tout le monde sort au bord de la piste ; c’est particulièrement vivant.

Il y a même un endroit où, apercevant des femmes piler, nous décidons de nous arrêter pour les regarder faire. Manque de chance, tout le monde détale dès que nous posons le pied par terre. Finalement, au bout de quelques minutes, le mouvement s’inverse, en plus des explications de Fred disant que nous aimerions les regarder faire. C’est en les voyant  de près que nous nous rendons compte de l’effort qu’elles doivent fournir pour lever ces pilons qui paraissent bien lourds. Les muscles des bras saillent à chaque mouvement. Sur le plus gros mortier, elles se mettent même à deux pour réduire le manioc en une fine farine. C’est finalement la plus grande partie du village qui finit par se regrouper là. Il est assez sidérant de constater que le bébé continue à dormir dans le dos de sa mère malgré le bruit et le mouvement.

C’est ensuite l’épisode des ponts, ou plutôt de ce qui fait office de pont. Divers passages de ruisseaux ou de rivières sont réalisés à base de troncs et de branches jetés sur le vide en travers du cours d’eau. Autant le premier semble solide et il n’y a qu’à guider les véhicules pour passer au mieux, autant le second est inquiétant. Toute la partie droite semble pourrie et branlante. Par ailleurs, des trous un peu trop béants le percent. Avec Inno, nous descendons donc sous le pont pour récupérer des matériaux afin de colmater les brèches. Nous tendons les bouts de bois au reste de l’équipe resté sur le pont. Ainsi, après quelques minutes de bricolage et une nouvelle séance de guidage, nous franchissons le second obstacle. Le troisième paraissant plus résistant sera passé sans même s’arrêter. Ajoutons à ces trois passages ce long pont dont les bandes de roulement sont constituées de planches qui se soulèvent au moindre passage. Vu d’en dessous, c’est encore plus impressionnant, surtout lorsque nous constatons que les piles sont simplement constituées d’un entrecroisement de rondins. Et ne parlons pas au passage du second véhicule : en tant que spectateur, c’est encore plus impressionnant ! Plus loin, nous constaterons aussi l’état de l’ancienne piste : par endroits, c’est devenu un lit de rivière formant un mini-canyon de 1m50 de profondeur en lieu et place de l’ancienne piste. Nous n’osons à peine imaginer l’état  de la piste en période des pluies.

Malgré tout, nous essayons de nous intéresser à ce qui nous entoure : un touraco à huppe splendide vole de nouveau devant nous sans qu’on puisse le mettre dans l’objectif ; quelques babouins détalent, sauf les gros mâles. La végétation aussi a changé : toute la matinée ou presque, la piste se déroule dans forêts aux teintes multiples allant du vert des combretums au rouge des miombos. C’est vraiment la piste africaine authentique. Inno inaugure aussi la première et unique crevaison de l’expédition après onze jours de voyage : pas mal ! C’est d’ailleurs à ce moment-là que nous croiserons le seul véhicule à moteur sur cette piste. Bien évidemment, je ne compte pas les vélos (quoi que moins nombreux dans ce coin) qui sont le seul véhicule indispensable pour toutes les charges que ce soit du bois, des sacs de charbon, des fagots de chaumes, de longues perches de bois, des volailles ou tout simplement la famille.

Enfin, après cinq heures de piste et seulement une centaine de kilomètres parcourus, nous atteignons Marrupa. Hormis le fait qu’on y trouve un petit marché permettant de trouver quelques rares denrées périssables, cette ville est surtout l’extrémité est de la route bitumée. Ce petit marché est tout de même pittoresque. Autour d’étals faits de bric et de broc se sont installées des petites boutiques en dur : on y trouve de tout, souvent sous une bonne couche de poussière, et en particulier de la lessive en sachet, un peu comme nos échantillons. Au cœur du marché sont mis en vente les produits agricoles : l’œil est inévitablement attiré par les petits tas de petites tomates, toujours par cinq, c’est la portion de référence. Dans un coin, une masse sanguinolente dans une bassine fait peu envie. Dans le hall en dur, ce sont les odeurs de poisson séché qui dominent, mais le passage est obligé pour acheter des petits pains. Jusque là, nous avons longé de nombreux chantiers  dont le but est de réaliser une piste digne de ce nom pour désenclaver la région du Niassa au nord-ouest du pays. A partir de là, le parcours sera plus rapide mais en contre partie plus monotone. Les dormeurs s’en donnent à cœur joie !

Cette monotonie est tout de même rompue avec la réapparition bien nette de ces massifs rocheux, genre pains de sucre, dans le paysage. Depuis le matin, nous avons peu à peu pris de l’altitude mais ce n’est qu’à partir de Litunde que nous changeons drastiquement de paysage. La route s’élève dans de superbes forêts de plus en plus denses, aux couleurs très variées : l’éventail de teintes est superbe. Le bord de la route est d’un vert digne de l’Europe. Le climat se rafraîchit un tantinet. L’habitat aussi change : les cases sont ici toutes en dur, souvent décorées de frises, et systématiquement surélevées comme sur une terrasse (probablement pour éviter les effets de pluies trop importantes). Nous avons vraiment l’impression de changer de pays. De 500-600 mètres, nous sommes passés à presque 1400 mètres d’altitude. En approchant de Lichinga, capitale de cette province du Niassa, nous découvrons même des conifères sur le plateau. Arrivés dans cette ville, nous nous dirigeons de suite vers une ferme camping en espérant qu’elle est toujours ouverte. Pour l’atteindre, il faut emprunter un chemin de terre sous les conifères en pleine ville. A l’arrivée, nous découvrons une ferme, qu’on pourrait imaginer dans les alpages en France ! Enfin, une bonne douche qui fait le plus grand bien. La nuit en revanche devrait être plus fraîche et va m’obliger à sortir pour la première (et peut-être la dernière) fois mon sac de couchage. Celle-ci aura des touches montagnardes, presque alpestres !!


Dimanche 29 octobre, Lichinga


Dernier réveil au Mozambique dans les alpages de la Quinta Pesseiguerro. Pour la première fois, le sac de couchage était appréciable autrement qu’en coussin. Le réveil est frais sans être froid : idéal en somme ! Pendant que le camp finit de se plier, un couple de touracos à huppe splendide nous offre un beau spectacle, à commencer par leur véritable couleur révélée par les premiers rayons de soleil : leur vol est magnifique avec ce plumage vert et le dessous des ailes rouges. Ils font des aller-retour entre les eucalyptus voisins et leur arbre où doit probablement se trouver un nid en construction, à en voir les brindilles qu’ils rapportent. Voici assurément une belle image pour quitter le camp.

Notre première étape consiste à dénicher le bureau de poste ce qui n’a rien d’évident en suivant les indications des passants ; ce sera finalement la police qui nous guidera ! Malgré tout, en ce dimanche matin, la ville est plutôt déserte, et ce sont les églises qui se remplissent. Après quelques achats à la boulangerie bondée, nous reprenons la route-piste. En effet, la piste de terre alterne régulièrement avec des sections expérimentales bitumées (dixit les panneaux sur le bas-côté). C’est d’ailleurs au départ de cette piste, juste à la sortie de Lichinga, que nous sommes contrôlés pour la première et dernière fois au Mozambique : nous avons le droit à la fois à la police et à la douane. Nous croisons de nombreux vélos toujours aussi lourdement chargés qui convergent tous vers la capitale régionale. L’effort doit être encore plus rude avec le vent et le relief particulièrement vallonné. En revanche, nous constatons que pour la plupart, les gens ont sorti leurs habits … du dimanche. Au moment d’une pause, nous voyons même passer une femme portant carrément un lit sur sa tête, et pieds nus, tandis que son mari suit les mains dans les poches, chaussé et accompagné de leur fils !! Les ponts ont changé d’apparence dans ce paysage montagneux : ici, ce sont de ponts provisoires (qui vont durer !!) mais métalliques, apparemment d’origine européenne. Aucune crainte à avoir lorsque nous les franchissons. Les villages semblent complètement indifférents à notre passage : les enfants ne disent rien et continuent à vaquer à leur occupation. Cela nous change de ce que nous avions pu voir jusqu’à présent.

En quelques heures, nous rejoignons la ville frontière de Mandimba. Et là, nous tombons sur un agent de l’immigration retors, et surtout avide d’argent. Sur nos sept passeports, il  considère que celui de Fred est en fraude car il est resté plus de dix jours (là où nous en avions demandé quinze sur la fiche d’entrée, avec un visa de trente jours). Les négociations ne donnent rien, le ton monte et il ne reste plus qu’à payer l’amende exigée pour pouvoir récupérer le passeport et franchir la frontière. Les banques mobiles sont elles toujours là. Quant au contrôle de passage de la frontière par les locaux, il est particulièrement comique. De temps en temps, un agent sort du poste et hèle quelques vélos qui passent pour les contrôler ; mais pour un contrôlé, il doit en passer plus de dix ! Côté Malawi de la frontière, cela se passe bien plus tranquillement mais au final, nous aurons passé pas loin d’une heure à la franchir. Je crois que c’est la première fois que je passe autant de temps à franchir une frontière.

Le pique-nique est un peu animé. En effet, nous trouvons un endroit à l’ombre, non loin d’un village. Mais rapidement, des enfants s’approchent tout en restant à bonne distance. Jusqu’à ce que nous leur donnions les fruits et le restant de salade : là c’est l’effervescence, voir même l’émeute ! Ca court dans tous les sens, à la poursuite de celui qui a attrapé un morceau. Bien heureusement, tout le monde finit par se calmer et partager. Ils semblent visiblement ravis. Dommage que ce jeune homme pas bien malin frime de trop devant les autres, empêchant des contacts qui auraient pu être sympas avec les autres, enfants et jeunes femmes. Nous reprenons ensuite la route pour redescendre vers le lac. C’est d’abord la rivière Malombe que nous franchissons à hauteur de Mangochi. Les restes du vieux pont qui ressemble désormais à un tremplin sont toujours là. La tour érigée en l’honneur de la reine Victoria est d’un esthétisme rare ! Surtout quand on rajoute à la décoration l’armement récupéré sur un navire anglais ayant fait naufrage sur le lac il y a quelques décennies ! Nous finissons la journée quelques dizaines de kilomètres plus au nord, à Monkey Bay, dans le même lodge qu’à l’aller, le Nkhudzi Lodge.

Nous arrivons très tôt dans l’après-midi. Ainsi, une fois la tente montée sur l’épaisse pelouse, à l’ombre du centenaire flamboyant pas encore en fleur, je me précipite dans la grande piscine que constitue le lac. Cela fait un bien fou. Ca délasse, ça rafraîchit, et en plus, c’est de l’eau douce. Après cet intermède relaxant, je pars me promener le long de la plage en remontant la baie vers le nord. Les quelques lodges voisins ont tous une superbe végétation (il faut dire qu’il suffit de pomper de l’eau dans le lac pour assurer un arrosage idéal). Les flamboyants offrent leur plus belle couleur de feu. Quelques pêcheurs tirent leur filet vers le rivage en ramenant pas mal de petits poissons. Dans les joncs, c’est le repaire des oiseaux. J’immortalise ainsi un guêpier nain accroché sur la tige d’un jonc dans sa livrée jaune et verte ainsi qu’un tisserin jaune. Il faut être patient pour parvenir à les voir sans les effrayer. Du rocher voisin, j’observe les gamins s’amuser avec leur pirogue et leur barque. Le relief s’accentuant un petit peu, et n’étant pas chaussé en conséquence, je finis pas rebrousser chemin et rentrer tranquillement au lodge. Pour profiter encore un peu du lac, nous mangeons ce soir un filet de poisson pêché dans les eaux claires du lac Malawi, toujours aussi bon ! Nous pouvons aller dormir tranquille dans cette douce nuit.


Lundi 30 octobre, Monkey Bay


Matinée libre à Monkey Bay. Notre étape finale n’étant pas très éloignée, nous avons toute la matinée pour faire ce que nous voulons. Chacun se lève quand il le veut, à son rythme, et prend son petit déjeuner quand bon lui semble.

Après m’être restauré, je décide d’aller me promener avant qu’il ne fasse trop chaud. Aujourd’hui, je choisis de partir explorer l’autre partie de la baie, vers le sud. Dès le début, la côte et les montagnes de la région de Lichinga apparaissent à l’horizon de l’autre côté du lac. Malgré l’heure matinale, il y a déjà de l’animation sur le lac mais certes moins que vers cinq heures du matin quand quatre pirogues de pêcheurs sont passées en hurlant avant d’ameuter la quasi-totalité du village sur la plage pour la vente du produit de la pêche. Quelques familles font à la fois leur lessive et leur vaisselle. Une malheureuse petite fille voit son chargement choir de sa tête ; elle est forcée de retourner au bord de l’eau pour nettoyer de nouveau les marmites qui sont tombés. Des pêcheurs diurnes se préparent à partir sur les eaux du lac en préparant filets, lignes et pirogues.

En revanche, la lumière encore assez basse permet de réaliser de beaux clichés. Et il y a le choix ! D’abord les plantations colorées des maisons qui bordent une petite partie de la baie, puis les pirogues sur la plage, le paysage de la baie, la végétation de joncs par endroits. Mais le fil conducteur reste l’avifaune. Tout le long, je peux voir des oiseaux. Les moins craintifs et les plus nombreux sont certainement les bergeronnettes - pies et les tourterelles. Sur les eaux du lac, j’aperçois par moment un cormoran qui navigue avant de plonger. L’aigle pêcheur, que les experts préfèreront appeler pygargue vocifer, se fait encore une fois entendre mais peu ou pas du tout admirer. En chemin, un martin-pêcheur pie fait son apparition mais très rapide et plutôt au sommet des arbres. Le téléobjectif est le bienvenu pour l’approcher ! Ce n’est qu’une fois parvenu dans la zone des joncs que cette faune se fait plus nombreuses. Les nombreux pépiements en témoignent. Encore faut il être patient pour ne pas les effrayer et espérer les apercevoir. C’est d’abord un adorable petit martin-pêcheur qui attire mon attention. Il faut dire que son bec rouge et son plumage bleu et orangé y sont pour quelque chose. On l’appelle martin-pêcheur malachite ou huppé. Plusieurs clichés en de longues minutes sont nécessaires pour parvenir à le photographier. Pendant mon affût, j’aperçois un héron lui aussi à l’affût derrière les joncs. Malheureusement, je ne le verrai pas plus en détail car effrayé par un de mes déplacements, il s’envole vers le lac. Tout autour volètent tisserins et tourterelles sans qu’on puisse vraiment les identifier. Il en sera de même au second « bosquet » de joncs. Arrivé suffisamment loin du lodge, je me décide à rebrousser chemin. Une pirogue aperçue précédemment disparaît sous mes mieux alors que je m’apprêtais à la prendre en photo.

Après une petite pause au lodge pour me désaltérer, je repars me promener vers le village situé juste avant le lodge. Tout semble calme, je ne vois pas grand monde hormis les chèvres et les brebis. Un groupe de babouins file à travers le chemin pour se réfugier dans les rochers, tout en grognant pour les plus gros.  Mais, petit à petit, je me rends compte que ce calme n’est qu’apparent. J’entends des conciliabules dans les cases. De l’autre côté du terrain de foot (incontournable dans n’importe quel village de la région !!), un flamboyant magnifiquement fleuri me tend les bras. Je déambule ensuite dans les ruelles ; du bruit attire mon attention : il s’agit du marché mais les étals sont très rares. Plus loin, un groupe de bambins se réjouit de me voir passer  avec de nombreux signes amicaux de la main et de grands sourires. Contrairement au début du voyage, la plupart des baobabs ont mis leur feuillage vert ce qui les rend un peu plus agréables à l’œil. Là, quelques oiseaux volètent et se cachent : ainsi, un petit cordon bleu me file entre les objectifs. Sur le chemin du retour, un superbe agama, bleu à tête rouge-orangé d’une vingtaine de centimètres se prélasse au soleil sur un four à briques. Sur la gauche, je parviens enfin à fixer enfin en vol l’aigle pêcheur. Jusqu’à présent, ils avaient toujours décollé à l’opposé !

De retour au lodge, il est bien temps de piquer une tête dans les eaux claires du lac. Ce moment est toujours aussi agréable et rafraîchissant. Il est maintenant temps de plier la tente. Jamais je ne l’avais démontée aussi tard. Cette journée tranquille a vraiment du bon. A tel point que nous prenons même le pique-nique sur une table en bois à l’ombre de l’énorme flamboyant. Nous reprenons tranquillement les véhicules pour rejoindre Senga Bay un peu plus au nord, toujours au bord du lac. La distance assez courte nous autorise un rythme assez tranquille, d’autant plus que la première partie est une piste moyennement roulante par endroits. Nous commençons à bien rire dès la sortie du village en voyant un couple à vélo : monsieur met pied à terre et tient le vélo tandis que madame, toujours assise à l’arrière du deux-roues en amazone, sort son téléphone portable et passe un appel ! Comme quoi l’homme africain n’est pas si machiste. Sinon, le long de la piste puis de la route, nous apercevons régulièrement de superbes flamboyants qui rayonnent au milieu des villages.

Après environ deux heures de trajet, nous retrouvons Salima, à la recherche d’une pharmacie : en vain, elle a été transférée dans une autre ville ! Apparemment il ne faut pas trop être malade, sinon c’est soit l’hôpital, soit la clinique privée quand on a les moyens. Après cette vaine recherche, nous mettons le cap vers Senga Bay, à une vingtaine de kilomètres à l’est de Salima. En chemin, nous nous arrêtons d’abord devant un des nombreux vendeurs de mangues, et surtout un marché artisanal.

En un peu plus d’un an, rien n’a changé, toujours le même aspect taudis des cabanes (un mélange de bois , de chaume, et de bâches plastiques). Toujours les mêmes genres d’objets. De nombreux articles en bois figurant humains et animaux, tout types de boîtes diverses et variées, des tables et chaises typiques, des masques (parfois très encombrants). On trouve aussi diverses pièces de vannerie : des classiques tapis, en passant par les paniers, les coffres, et surtout une des originalités de la région, les 4*4 reproduits de manière particulièrement fidèle. Bien évidemment, j’ai craqué pour un d’eux. En fait, cela datait déjà de mon précédent passage au Malawi. Il va sans dire que dans cet endroit, il faut absolument négocier le prix annoncé.

Emplettes faites, nous bouclons les sept kilomètres qui nous séparent du Steps Camp, un camping installé sur la baie avec sa propre plage et même de gros rochers (genre granit rose à Ploumanach) sur la pointe nord. Evidemment, dès la tente dressée, la deuxième baignade du jour s’impose. L’eau est encore plus claire ici ; par contre, sur plusieurs dizaines de mètres, il doit y avoir à peine un mètre d’eau. Qu’importe !! Il suffit de nager plus loin. Il ne reste plus qu’à faire quelques clichés de l’endroit, tout en profitant des nombreux oiseaux qui passent : ombrettes, bergeronnettes-pie, aigles pêcheurs, martin-pêcheurs, … Mais déjà vient le moment de faire le sac, alléger tout ce qui peut l’être, transférer ce qu’il faut du bagage cabine au bagage soute et vice-versa. Ceci occupe un bon moment et la fin de la journée approche. Le dernier repas en terre africaine se prépare déjà. Ce soir, Inno nous prépare sa spécialité du Zimbabwe : la salza. Il s’agit de farine préparée un peu comme de la polenta. A côté, il prépare une sauce à base de ratatouille et de saucisse coupée en petits cylindres. Le résultat est à la fois bon et consistant. Avec ça, nous devrions bien dormir ! Mais c’était sans compter sans une armée de fourmis minuscules qui a envahi nuitamment trois de nos tentes. Au réveil, à la lumière du jour, le résultat est impressionnant ! Ce coin du camp étant pourtant bien, à l’abri du vent.


Mardi 31 octobre, Senga Bay


Aujourd’hui sonne le dernier réveil du voyage. Enfin, c’est une façon de parler. Car une heure avant l’heure du petit-déjeuner (soit cinq heures du matin), nous sommes presque tous debout pour guetter le lever du soleil. En attendant qu’il se montre, nous assistons au ballet des barques qui pêchaient au lamparo cette nuit, illuminant ainsi l’horizon nocturne d’une nuée de lucioles. Désormais, ils rentrent au bercail vendre le produit de leur pêche. Patiemment, l’horizon rougeoie au-dessus des côtes mozambicaines. Puis le premier rayon monte avant que le soleil n’apparaisse enfin, très pressé. Il faut pourtant attendre quelques minutes avant que les reflets sur les eaux du lac soient beaux.

Il ne reste plus qu’à nous restaurer avant de plier définitivement le camp. Avec l’avance que nous avons prise, nous sommes prêts bien trop tôt. Après avoir discuté un petit moment, nous décidons de nous mettre en route vers Lilongwe et son aéroport. La route n’offre pas un grand intérêt touristique ; par contre, elle est jalonnée de barrages. Nous en verrons ainsi cinq jusqu’à l’aéroport. Je crois que nous n’en avions pas vu autant sur tout le séjour cumulé. La plupart du temps, ça se passe très vite (et bien !) sauf quand ils commencent à poser des questions du genre « Pourquoi vous allez à l’aéroport ? » ou alors quand ils veulent savoir ce que nous transportons. Le conducteur se lance alors dans un bobard pour écourter la discussion : ça marche à chaque fois !

L’aérogare a lui aussi changé en quinze jours ; les nombreux flamboyants ont joint leurs couleurs à celles des jacarandas, toujours fleuris. A l’intérieur de l’aérogare, c’est très calme à une heure aussi matinale (9h30). Les boutiques sont toujours aussi rares. Il faut donc patienter avant que l’enregistrement n’ouvre. Nous enregistrons finalement avant les autres qui sont sensés partir trente minutes avant nous !! Le shopping étant quasi impossible, nous nous acquittons directement de la taxe de sortie (30$) avant de dire au revoir à Fred. Il ne reste plus qu’à monter à l’étage dans la salle d’embarquement, elle aussi toujours aussi succincte avec ses deux boutiques duty-free et son petit snack-bar. Malheureusement, une employée de l’aéroport vient littéralement nous harceler pour que nous descendions très, très tôt au contrôle de sécurité. Les filles étant décidées à boire et grignoter quelque chose, nous la laissons parler. Nous la laissons même revenir trois fois avant d’obtempérer. On est en plein délire : cette pauvre dame arrive à dire une chose et son contraire dans la même phrase. Au final, nous sommes obligés de descendre au contrôle une heure avant l’horaire d’embarquement. Et quand on voit la salle d’attente de Lilongwe, on préfère y passer le moins de temps possible. Pour une raison que j’ignore, le contrôle est strict : bagage cabine aux rayons X, puis fouille manuelle systématique du même bagage, suivi d’une palpation systématique et quelques questions (voir même une nouvelle vérification de passeport). C’est de cet endroit que nous voyons atterrir le second avion (celui de Nelly et moi) avant le premier. Nous devions décoller trente minutes après eux et nous décollons finalement trente à quarante minutes avant eux !!

Direction Johannesbourg et l’Afrique du Sud à bord d’un appareil de South African Airways pour un transit de quelques heures, le temps de faire quelques emplettes dans cet aérogare idéal à ce sujet. « Out of Africa », l’incontournable boutique, reçoit donc notre visite, enfin nos visites car nous y repasserons plusieurs fois, le temps de trouver un petit présent pour chacun. Il ne reste plus qu’à attendre l’embarquement pour Paris sur un A340 d’Air France. C’est la première fois que je vole à bord de notre compagnie nationale pour un long-courrier, et finalement, je suis globalement satisfait du service (malgré tout ce que j’avais pu entendre !). Est ce la fatigue ? Toujours est il que le voyage passe assez vite. Je réouvre l’œil lorsque nous survolons la Sardaigne. Il ne reste qu’une poignée d’heure avant de se poser à Roissy. L’arrivée y est saisissante : le choc thermique est sanglant ! Passer de plus de 30°C à 6°, cela se sent ! Les manteaux cachés au fond des sacs depuis quinze jours sont les bienvenues. Nous devons encore patienter au moins trois quarts d’heure avant que nos bagages arrivent enfin. Un peu plus et ils n’arrivaient pas ! Il ne nous reste plus qu’à rejoindre le RER bien désert en ce matin de Toussaint !

Fin de l’aventure et retour « brutal » à la vie citadine et occidentale.

Vivement le prochain voyage !