Par Jsafaro botswanaérôme Culos

CARNET DE VOYAGE AU KALAHARI

Cette nuit du 24 au 25 février, il est tombé quelques flocons et la matinée est bien fraîche ; mais demain matin, place au soleil et à la chaleur de l’Afrique Australe. Les bagages sont prêts depuis hier soir, normalement sans oublis ! Il ne reste plus qu’à attendre Jean-Luc, un des membres du groupe, qui doit passer me chercher à la mi-journée. Un dernier repas pris en terre de France et nous voici partis en voiture vers l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, profitant ainsi des nombreux bouchons du périphérique (demain ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir !). Bouchons certes, mais le trajet en voiture est tout de même plus agréable que l’heure dans le RER ! A l’inverse de la route, l’aérogare du terminal 1 n’est pas très fréquenté en cet fin d’après-midi de vendredi. L’enregistrement est, du coup, très rapide, encore que le personnel ne semble pas très au fait des destinations (ma destination finale semble inconnue de l’hôtesse ; quant à Jean-Luc, il manque de partir sans son billet retour gardé par l’hôtesse !!). En revanche, le contrôle de sécurité s’éternise : des taches noires vues aux rayons X m’obligent à vider mon sac à dos ….. pour rien. Encore une petite heure et demie à patienter dans le satellite 4 avant de partir pour cette reconnaissance dans le Kalahari : à coup sûr l’aventure ! L’avion, un A340-200 de South African Airways, est loin d’être complet, ce qui me permet d’être plus à l’aise : le trajet de 11 heures n’en sera que plus agréable ! Le film, « Elizabeth Town » (avec Orlando Bloom et la ravissante Kirsten Dunst) étant plutôt moyen, je me jette donc dans les bras de Morphée plus tôt que prévu. Et les longues heures s’égrènent !! Jusque vers 4h30 (heure de Paris, 5h30, heure locale) où les lumières sont rallumées pour procéder au service du petit-déjeuner.


Samedi 25 février, Johannesburg

7h50, c’est le retour en Afrique du Sud, ou plus exactement à l’aéroport de Jo’burg. A peine 1h40 à patienter, dont une bonne demi-heure pour obtenir notre carte d’embarquement au guichet du transit, quelque peu dépassé ! Un petit tour dans l’aérogare et nous remontons dans un bus pour rejoindre l’autre bout du tarmac où nous attend un petit avion, un Dash 8 de chez De Havilland. Nous sommes à peine une vingtaine à bord pour cinquante places. Le service à bord est assez comique : selon vos désirs, l’hôtesse ouvre un des coffres ou bien va chercher ce qu’il faut au fond de l’avion, et ainsi pour chaque passager !! Un saut de puce de moins d’une heure et nous voici enfin rendus à Gaborone, capitale du Botswana. Encore un aéroport international minuscule. Les formalités sont donc expédiées rapidement (pas même une fouille de bagages !!) et nous retrouvons Béa qui nous attend dans le hall.

Nous embarquons dans le 4*4 (qui n’a pas changé depuis 6 mois), direction la « banlieue » de Gaborone. Cette ville grossit à vue d’œil et sous une forme occidentale, à l’image des villes sud-africaines. Sur le boulevard périphérique, on croirait presque retrouver des bouchons comme la veille ! Fred et Béa nous ont donc dégottés un petit endroit bien sympa, la réserve de Mokolodi, un espace de 10000 hectares, à seulement dix minutes de la ville. Nous sommes logés dans deux chalets au cœur du parc, juste devant un étang où s’ébattent quelques hippopotames. Sur le trajet entre l’entrée de la réserve et le chalet, nous avons même l’occasion d’apercevoir deux gazelles, cinq zèbres venus se désaltérer dans une petite mare, une girafe dégustant un petit acacia, et enfin quatre éléphants domestiqués, avec leurs cornacs, qui nous croisent sur la piste. Ils ont beau être domestiqués, leur proximité reste impressionnante. L’un d’eux est même tout prêt de placer sa trompe dans le véhicule. Arrivés aux chalets, nous retrouvons Béa, ainsi que son père, Claude et Elisabeth. Ils nous attendent pour notre premier repas au Botswana. L’après-midi se déroule tranquillement …. Au rythme africain ! Et nous attendons, attendons, … : Ino est reparti récupérer les trois derniers membres du groupe en vain. Ino revient, mais seul ! Nous apprenons plus tard que leur avion n’a pas décollé de Paris et qu’ils n’arriveront que demain. Nous ne laissons pas abattre pour autant ; premier repas et la viande est toujours aussi bonne, aussi fondante. Hmm ! Il est temps de profiter des agréables lits, les derniers avant quelques jours.


Dimanche 26 février, réserve de Mokolodi

Suite au changement de programme de la veille, le réveil de ce matin est plutôt tranquille. C’est que nous avons le temps avant que les retardataires n’atterrissent. Par contre, il a plu une bonne partie de la nuit. Ce n’est qu’en arrivant à l’aéroport que la pluie cesse, laissant la place à quelques coins de ciel bleu. Pourvu que ça dure ! Cette fois, ils sont bien dans l’avion : Nelly, Sophie et Dominique. Mais les galères continuent : le sac de Dominique n’est pas arrivé et l’aéroport de Jo’burg ne sait pas nous renseigner sur sa localisation. Dominique décide donc de faire les formalités pour faire rapatrier son sac en France et nous partons.

Direction le Kalahari, plein ouest sous une météo peu engageante. Les averses se suivent mais nous gardons bon espoir pour ce soir. Nous croisons de nombreux ânes et vaches, toujours sur la route, à boire dans les flaques. De temps en temps, ce sont des groupes de chevaux, beaucoup plus sages. A Jwaneng, nous passons devant une des plus grosses mines de diamants à ciel ouvert. Difficile de la manquer avec sa montagne de terre et surtout le dirigeable aux couleurs de la De Beers à l’entrée.

Nous progressons bon gré, mal gré entre les gouttes et les animaux, pour l’instant domestiques. Finalement, vers 16 heures, le beau temps semble  vouloir définitivement s’installer. C’est à ce moment-là que nous tombons sur un panneau indiquant le parc Kgalagadi Transfrontier Park sur la droite, à 124 kilomètres. Renseignements pris, la piste semble ouverte ; les locaux expliquent que des gens sont passés voilà six mois ! La piste sablonneuse n’est indiquée sur aucune carte mais tant pis, à l’aventure ! Si tout va bien, nous allons faire un large raccourci (néanmoins, ce passage ne permet plus de faire de ravitaillement en carburant). En revanche, la vitesse se réduit fortement. Mais tout se passe bien : ça roule, la piste est bien tracée et dégagée. Au bout d’une bonne heure où nous n’avons parcouru qu’une vingtaine de kilomètres, nous arrêtons pour planter le bivouac au milieu de nulle part. Seuls au monde ! Tranquilles pour planter les tentes, siroter un petit apéro (anisé bien sûr !) et manger. Et bien non ! Au moment de passer à table, l’orage nous rejoint. Désormais, c’est sauve qui peut. Nous mangeons tant bien que mal, à l’abri des hayons des 4*4, avant de nous réfugier sous les tentes. Quel dommage de pas avoir pu prendre le temps de déguster un repas aussi bon : du poulet grillé et des « butternut », des cucurbitacées locales, à la chair orange, toujours aussi succulentes, bien que bouillies. La nuit sera humide !!


Lundi 27 février, au milieu de nulle part dans le Kalahari

L’orage a finalement été court mais violent. Aux dires de Béa, c’est un de ses plus gros orages depuis qu’elle est en Afrique. Ce matin, tout est humide. Les matelas, les toiles de tente, et même certains sacs. Et que dire de la végétation ! Le moindre pas vous trempe. Puisque le soleil ne daigne pas se montrer, nous finissons par lever le camp sans attendre le séchage. Heureusement, la piste est bien plus roulante que celle de la veille. Nous avançons donc avec un bon rythme. La piste est magnifique, pleine de verdure, avec de nombreuses plaques fleuries. Dès que nous passons au sommet des petites bosses, la vue se révèle magnifique, avec de grandes prairies vertes.

Histoire de perdre un peu de temps, nous trouvons le moyen de mettre une roue dans un trou, malgré la mise en garde de Béa. Dommage, il y en avait deux ! Comme la radio ne passe plus et que nous sommes le second véhicule, il ne reste plus qu’à attraper la pelle pour sortir de là. Quelques pelletées plus tard, le trou est adouci et nous pouvons repartir. Nous commençons aussi à apercevoir quelques animaux : deux oryx par-ci, un phacochère par-là, une outarde kori et un serpentaire (deux énormes oiseaux qui arrivent quand même à voler). Nous finissons par atteindre une grande piste à « chaussées séparées ». Nous virons à droite persuadés que c’est la bonne direction, en roulant côté à côte. Il nous faut bien une dizaine de kilomètres avant de nous rendre compte que nous faisons fausse route. Le raccourci d’hier nous a fait ressortir plus au nord que prévu.

Un demi-tour et trente cinq kilomètres plus tard, nous atteignons enfin notre but, l’entrée du parc transfrontalier de Kgalagadi (ex Gemsbok National Park côté Botswana et Kalahari National Park côté sud-africain). En langage buhsman, Kgalagadi signifie lieu de la soif, tout un programme ! L’endroit est quasi neuf et visiblement assez peu fréquenté à en lire les registres de passage. Les derniers français sont passés au mois d’octobre ! Et nous serons les seuls touristes dans le parc pendant les premiers jours. Après de longues minutes de palabres, nous finissons par entrer dans le parc. Là aussi, la nature est très verte et opulente. Cela change beaucoup quand on a eu l’habitude de voir le bush desséché. Plus que quelques kilomètres avant d’atteindre notre lieu de bivouac. A hauteur du pan de Monamodi, nous apercevons un troupeau d’une dizaine d’oryx déambulant paisiblement sur le vert tapis recouvrant le pan asséché. Un peu plus loin, nous retrouvons de nouveau des oryx au milieu de la piste, et, de part et d’autre, de nombreux springboks (cela faisait bien deux ans et demi que je n’en avais plus vu !).

Finalement, nous débouchons sur une cuvette inondée ; voici notre lieu de villégiature, le pan de Mabuasehube, littéralement « l’endroit où la terre est rouge ». L’endroit est excellent, aménagé avec toutes les commodités (même une douche de plein air) et surtout une superbe vue sur le pan. Accessoirement, l’endroit est habité par une colonie d’écureuils terrestres dont les galeries débouchent un peu partout au milieu du camp. Et pendant le repas, c’est un couple de calaos à bec jaune qui nous rend visite, ou plus exactement au 4*4. Ils commencent par y rentrer avant de s’intéresser aux rétroviseurs. Le miroir semble à la fois les intriguer et les déranger. Ils les attaquent à coups de bec croyant avoir à faire à des intrus ! Un bon moment de rigolade en perspective ! Après un bon repas, nous finissons de nous installer, de faire sécher toutes les affaires : ceci se fait assez vite avec la chaleur et le vent. Une bonne douche finit de nous ragaillardir.

Vers 16h30, nous embarquons dans les véhicules pour le premier safari du voyage. Nous commençons simplement en contournant le pan où nous sommes installés. Après les quelques gouttes du départ, de superbes couleurs s’offrent à nous avec un ciel constellé de nuages, un dégradé de vert surprenant et quelques reflets rouges du sol. En observant quelques oiseaux, dont l’énorme outarde kori, nous finissons par apercevoir, avec Béa, la tête d’une lionne, un peu plus loin, dépassant des graminées qui cernent le pan. Après une approche assez silencieuse, nous finissons par apercevoir le mâle et quatre jeunes (deux femelles, et deux mâles d’environ 1 à 2 ans) sur les rochers tout proches. Le plus fascinant est que nous les voyons petit à petit. Car dans un premier temps, nous n’en apercevons que deux, dont le mâle. Après de longues minutes, il finit par descendre de son poste d’observation et traverse le champ herbeux pour rejoindre sa dulcinée. Quelques minutes plus tard, c’est le tour des jeunes (un, puis deux autres, puis le dernier) qui en profitent pour jouer. C’est donc finalement six lions qui finissent par se retrouver à quelques mètres à peine de nous. Ils font preuve de beaucoup de curiosité, surtout les plus jeunes, et n’hésitent pas à approcher très près. Un véritable régal ! Instant d’angoisse très court dans les véhicules aux vitres ouvertes. Mais ils n’ont rien à faire de nous ! Ils nous passent devant, poursuivant vers la piste que nous venons d’emprunter. C’est finalement qu milieu de celle-ci qu’ils finissent par s’installer. Il ne nous reste plus qu’à patienter en les observant. Le moment est magique avec cette lumière post-orage. Mieux que dans un film ! Un des jeunes mâles vient s’installer tout près pour faire sa toilette : comme un gros matou, mais particulièrement musculeux !! Après plus d’une heure d’observation, nous décidons de couper hors piste pour les contourner et rejoindre la piste un peu plus haut, à la jonction avec la piste principale. Là encore, ils nous suivent. Seul le mâle dominant reste à sa place tout en surveillant. Les autres finissent par nous cerner, mais de loin, cachés dans les herbes (seules les oreilles et le haut de la tête dépassent). Nous refaisons donc une pause, surtout que cette fois, l’arrière-plan est constitué par le pan.

Sur le chemin du retour, nous faisons une halte au niveau du lieu de bivouac voisin du nôtre afin d’observer le pan sous un autre angle. Nous voyons alors détaler un gnou puis un autre, probablement effrayés par la présence voisine des lions. Un vol de cigognes passe au-dessus de nos têtes et viennent se « brancher » derrière nous. Il s’agit de cigognes d’Abdim. Mais cette fois, c’est l’heure de rentrer au bivouac. Juste à temps pour profiter du couchant, sur le côté du pan. Puis nous finissons par apercevoir les silhouettes léonines marchant le long du pan, en contrebas de notre camp, juste à la lisière des graminées. Désormais, ils peuvent être n’importe où près du camp. Un court instant de crainte parcourt le groupe : il faut désormais respecter les consignes à la lettre ; ne pas s’éloigner du campement, rester dans les tentes la nuit et tout se passera bien ! Et l’ambiance revient, Domi continuant à nous amuser. Pendant le café, nous profitons du ciel étoilé : il est tout simplement extraordinaire, merveilleux, et surtout difficile à décrire ; il faut le vivre. En quatre fois, je crois n’en avoir jamais vu d’aussi chargé. Des étoiles à perte de vue, une Voie Lactée qui s’étire, qui s’étire … d’un horizon à l’autre. Et dans les jumelles, c’est encore plus merveilleux. Nous retrouvons assez facilement la Croix du Sud tandis que Béa nous montre les Nuages de Magellan. Il y a même quelques étoiles filantes qui fendent le ciel. C’est le moment de faire un vœu. Les observations se poursuivent à l’aide du projecteur. Des paires d’yeux nous guettent. Probablement celles de lièvres sauteurs. Finalement, chacun regagne sa tente, escorté par le faisceau lumineux. Une belle nuit en perspective … et sèche !!


Mardi 28 février, pan de Mabuasehube

Réveil matin vers 6 heures et même avant. Les premières lueurs de l’aube apparaissent alors que s’éteignent les dernières étoiles. Finalement, nous n’avons pas eu de visite nocturne de la part des lions. La nuit fut donc calme et un peu fraîche sur la fin. Après un léger petit-déjeuner, nous partons en direction du pan de Khiding à l’ouest.

Les premières minutes ne nous permettent que d’admirer les paysages, avec cette piste rouge contrastant avec le vert des graminées de part et d’autre, et le bleu pur du ciel. En chemin, nous apercevons un couple de francolins du Kalahari, directement sur la piste. En levant un peu les yeux, c’est un lièvre qui saute d’un côté à l’autre. Finalement, nous débouchons sur les « hauteurs » de Khiding pan. Un rapide coup d’œil nous laisse présager de belles choses. En lieu et place de l’eau, ce pan est recouvert d’une grande prairie herbeuse sur laquelle broutent paisiblement de nombreux animaux.

Les premiers sont deux bubales rouges au cuir magnifique. Ces antilopes sont facilement reconnaissables à leurs cornes au bout recourbé vers l’arrière. A gauche et à droite paissent plusieurs oryx. Derrières les bubales, ce sont de jeunes autruches. Mais c’est rapidement la cavalcade à l’arrivée d’un mâle adulte qui traverse le pan à pleine vitesse à leur poursuite. Nous découvrirons un peu plus tard qu’il éloignait les gêneurs de sa femelle et de sa toute jeune progéniture (les petites têtes apparaissent de temps en temps au-dessus des herbes). Un peu plus sur la gauche, nous apercevons des mouvements dans les graminées. Un coup de jumelles nous laisse apercevoir de grandes oreilles Il s’agit en fait d’otocyons, un genre de renard à grandes oreilles (en anglais, on l’appelle « bat eared fox »), emblème des parcs nationaux au Botswana.

Sur la droite, c’est une dizaine de gnous bleus qui broutent paisiblement, pas du tout perturbés par ce qui se passe autour. De ci, de là, bien évidemment, les traditionnels springboks. Nous faisons lentement le tour du pan pour admirer toute cette faune évoluant paisiblement sans perturbation humaine, ni prédateur. En faisant une pause sur un des lieux de bivouac de ce pan, nous découvrons une empreinte de léopard. Si seulement on pouvait en voir un ! En attendant, nous profitons des jolis tapis de fleurs, au choix jaunes, bleues, ou rouges. En repartant de là, c’est toute la famille bubale, avec trois jeunes, qui défile sur le pan. Un dernier coup d’œil et nous partons vers le pan de Mpaathutlwa.

Celui-ci est en eau et offre des couleurs surprenantes. Par moment, la surface semble être de sel tellement elle est blanche. Pour voir les animaux, il faut des jumelles : ils sont tous de l’autre côté, encore une fois des oryx et une centaine de springboks qui n’apparaissent même pas à l’œil nu. Trois autruches flânent aussi par-là. Avec toutes ces belles images dans les yeux, nous reprenons la direction de « notre » pan, en empruntant une piste bien rouge cernée de hauts murs verts. Soudain, nous apercevons trois vautours installés sur des arbres à droite de la piste (un tête blanche massif et deux dos blancs). Dans le ciel, trois autres font des cercles. Il y a sûrement une charogne dans les environs mais impossible de l’apercevoir depuis notre position. Du coup, nous retournons au campement pour déguster une bonne salade. Nos amis les calaos sont de retour après leur visite du petit déj’.

La pause de l’heure chaude est écrasée par le soleil de plomb. Tous les nuages ont disparu et le moindre passage au soleil se ressent ! Il doit bien faire 35°C. Mais cela pourrait être pire. Dès le repas, les écureuils terrestres installés sous le camp tentent une approche. Ils sont de moins en moins craintifs, venant jusque sous la table ! Il suffit de se poster devant un terrier et de patienter pour être sûr de réussir un cliché sympa. Certains se lancent dans une partie de tarot acharnée pendant que les autres bouquinent.

Vers 16 heures, nous levons le camp. Cet après-midi, nous allons essayer de faire le tour de notre « pan ». Il faut dire que la veille, nous n’avons fait que cinq cents mètres, la faute aux lions. Pour la faune aussi, la chaleur est accablante et nous les voyons assez peu. Seuls les plus solides sont là : on retrouve donc oryx et springboks broutant autour du pan. Plusieurs outardes kori les accompagnent. Nous apercevons deux grands koudous, au loin, sur la rive opposée. Petit à petit, nous progressons dans les paysages splendides de savane encore richement herbacée, piquée de quelques arbres et arbustes. A l’un des autres lieux de bivouac nous trouvons à nouveau de nombreux écureuils très affairés. Ayant bouclé notre tour, nous apercevons à nouveau des otocyons en contrebas de la piste, dans les hautes herbes. Ils traversent même la piste mais impossible de les suivre bien longtemps. Nous changeons alors de piste croyant aller vers un autre pan plus au nord. Peine perdue, nous avons repris celle conduisant à l’entrée du parc. Néanmoins, avant de faire demi-tour, nous avons pu observer sur la piste un lièvre ainsi qu’un couple de perdrix namaqua. Sur le chemin du retour, nous commençons par croiser un steenbok mâle, bien moins farouche que ses congénères. Cette petite antilope aux grandes oreilles et aux petites cornes est vraiment adorable. Revenus près du pan, nous pensons encore avoir à faire aux otocyons, toujours au même endroit. Des petites têtes progressent parmi les herbes : ce n’est qu’au débouché sur le pan que nous constatons qu’il s’agit en fait d’un couple de chacals.

Dernier détour par GMA2, le bivouac voisin qui nous sert de poste d’observation, puis nous retournons au camp. Après un repas agrémenté d’un succulent filet de bœuf, aussi fondant que du beurre, nous finissons autour du feu en sirotant nos cafés et nos tisanes. La voûte céleste est encore plus magnifique que la veille tellement le ciel est pur ce soir. La Voie Lactée court d’un bout à l’autre du ciel. Des milliers d’étoiles scintillent dans le ciel africain. On aperçoit même, de temps en temps, quelques étoiles filantes. Quel spectacle magnifique à rester au coin du feu à regarder le ciel et à écouter les bruits nocturnes de la nature ! Encore une belle journée, quoi que moins riche en moments forts.


Mercredi 1 mars, pan de Mabuasehube

Nouvelle nuit calme. Claude et Elisabeth ont néanmoins entendu un léopard tout proche pendant la nuit. Ce matin, nous partons pour la « Khiding loop ». Direction donc le pan de Khiding. Au premier abord, on y voit toujours les mêmes espèces : springboks, outardes kori et oryx. Et pourtant, la prairie au fond du pan fourmille de vie. Il suffit de regarder à travers les jumelles pour s’en rendre compte. Des suricates commencent à pointer leur petit museau vers le soleil matinal qui commence à chauffer. Les sentinelles du désert sont en place ! Un peu plus loin, on aperçoit des paires d’oreilles. Il s’agit là de toute une famille de chacals avec quatre petits. Ce que nous croyons être un jeu entre eux semble être un repas sur une carcasse. Un petit peu plus loin, il semble qu’il y ait deux petites têtes d’otocyons mais difficile de réellement les distinguer. En nous déplaçant un peu plus loin sur le pan, nous retrouvons la famille autruche de la veille, la mère devant les petits et le père pour fermer la marche. Nous allons peut-être assister à une belle scène : les chacals guettent l’arrivée des autruchons. Mais gare aux parents. Tour à tour, la femelle et le mâle chargent au triple galop. Finalement les chacals se divisent en deux groupes avant de rebrousser définitivement chemin. A l’autre bout du pan, un bubale refait son apparition. Puis c’est au tour d’un tout jeune oryx de traverser la plaine au galop : il semble avoir perdu sa mère.

Après cette mise en bouche, nous partons pour notre boucle. La première étape est au pan de Malatso. Il est assez petit et sans eau. On y aperçoit un oryx et plusieurs suricates perchés sur leur monticule de terre. On poursuit ensuite sur Mogobewatihangwe Pan, le plus à l’ouest. La piste est plutôt sauvage ; par contre, on y croise de nombreux steenboks mâles ou femelles. Ils commencent à être un peu moins farouches. Il y a même un grand koudou mâle qui détale. Ce pan n’est pas vraiment intéressant, désert qu’il est. En plus, la piste ne fait que l’effleurer sans offrir le moindre point de vue. Un peu plus loin, on longe un pan sans nom avant d’atteindre Mokgalo Pan, lui aussi assez quelconque. C’est un peu plus loin sur un pan absent des cartes que nous tombons sur deux troupeaux, un d’oryx, et surtout, une quinzaine d’élans du Cap, une des plus grosses antilopes qui soit. Malheureusement, ils sont particulièrement craintifs et l’arrivée du second 4*4 est fatale à l’observation. Plus loin encore, nous trouvons un autre pan inconnu sur les plans. Nous finissons par retourner au campement pour la pause de la mi-journée. Ce matin est un jour particulier : nous avons enfin croisé deux véhicules, sud-africains d’origine. Nous ne sommes plus seuls, mais nous ne risquons pas encore la surpopulation touristique.

Après la désormais traditionnelle et incontournable partie de tarot (pendant que les autres font chauffer les appareils photos sur les écureuils, les calaos, le francolin ou encore l’outarde Korhaan particulièrement bruyante !), nous repartons sur les coups de 17 heures. Cette fois, il s’agit de refaire le tour du pan de Mabuasehube. La faune rencontrée est plutôt clairsemée : quelques rares steenboks, des springboks, des outardes kori et quelques autruches. Nous nous replions donc sur l’observation de l’avifaune, principalement les petits oiseaux, plus faciles à observer. En revanche, nous profitons de ce tour pour admirer encore une fois le paysage offert. Les dégradés de vert sont impressionnants. Quant à l’eau, elle change de couleur selon le point d’observation. L’Afrique comme ça est vraiment très belle. En chemin, nous tombons sur la trace d’une hyène (empreintes et excréments) qui doit dater de la veille, mais point d’animal alentour. Il faut dire qu’à cette période de l’année, la nature offre une telle possibilité de dissimulation qu’il serait vain de vouloir débusquer les animaux à tout prix. Patience et persévérance !

Nous terminons la journée sur les bords du pan. Les nuages arrivés en fin d’après-midi nous offre un couchant très coloré. Et c’est tout le pan qui bénéficie de cette lumière. Encore une belle journée dans le Kalahari qui se termine autour du feu de camp.


Jeudi 2 mars, pan de Mabuasehube

Comme d’habitude, j’ai dormi du sommeil du juste. Et donc, encore une fois, je n’ai pas entendu le léopard ni les chacals. Ce matin, nous partons à la découverte d’un nouveau pan, celui de Losoloago dès le petit matin. Nous parvenons à une cuvette verdoyante d’une taille respectable. A peine arrivons-nous qu’un groupe d’une quinzaine de gnous détale. Nous ne les verrons que dans les jumelles. A l’autre extrémité du pan, nous distinguons trois oryx bien tranquilles. Approchant d’une outarde kori, c’est tout un groupe de cinq gros oiseaux non identifiés qui décolle avec l’outarde au-dessus de la plaine. Nous faisons alors une pause sur l’un des lieux de bivouac. De ce point de vue, nous pouvons apercevoir un couple de chacals aller et venir sans objectif visiblement précis. Le jeu consiste à découvrir où ils vont réapparaître lorsqu’ils disparaissent dans les hautes herbes. En ce début de journée, l’endroit est plutôt calme. Il n’y a guère que les outardes Korhaan qui brisent le silence. De la taille d’une poule, de couleur noire, ces volatiles ont la particularité de pratiquer le parachute. Pour impressionner les femelles, les mâles s’envolent puis se laissent tomber en formant un parachute avec leurs ailes !  Nous allons pouvoir en observer une pendant un long moment à côté du véhicule. Claude s’amuse même à l’enregistrer puis à lui repasser la bande son. Le désarroi de cette pauvre outarde entendant quelqu’un d’autre chanter sur son territoire nous fait bien rire. Juste avant, c’est une mangouste jaune qui se dissimulait sous les buissons. La seule percée qu’elle tente sur la piste est fugace : pas de photo de la mignonne petite mangouste.

Le spectacle étant terminé, nous quittons ce lieu pour reprendre la piste vers les pans de Monamodi. En chemin, nous apercevons quelques steenboks cachés dans les hautes herbes et plusieurs couples de gangas Namaqua ( ex perdrix des sables) qui persistent à rester sur la piste malgré la présence des véhicules. Plusieurs fois, nous sommes à deux doigts de les écraser, même en faisant attention. A plusieurs reprises, nous constatons que les pistes sont très utilisées par la faune : les empreintes sont diverses et nombreuses ; il ne nous reste plus qu’à en voir les propriétaires.

Enfin, nous parvenons au premier des pans de Monamodi. Est ce l’heure plus tardive ou le lieu ? Toujours est-il que l’endroit est beaucoup plus vivant. Nous dénombrons pas moins de vingt-cinq oryx en train de paître. N’oublions pas les springboks qui sont enfin sortis, et un gnou solitaire au milieu de cette ménagerie. En contournant le pan, nous retrouvons à nouveau des oryx. On comprend mieux pourquoi le parc s’appelait Gemsbok National Park (gemsbok est le nom anglais de l’oryx) : c’est vraiment leur endroit. Un peu plus loin, nous tombons sur un groupe de suricates : ces bêtes son formidables à observer, dressées sur leur terrier à faire la vigie. Elles semblent totalement désarticulées pour guetter dans toutes les directions. Dressées ainsi, on pourrait croire à des petits humains ! Un peu plus loin encore, nous assistons à un face à face entre un suricate et un écureuil dressés face à face à quelques mètres de distance. Nous continuons notre progression, toujours accompagnés par les nombreux oryx du jour. Au détour du dernier pan, hormis les oryx, ce sont les petits springboks qui nous offrent leur show. D’abord très calme, ce groupe d’une bonne cinquantaine de têtes se met dans l’idée de déguerpir. Mais pas n’importe comment ! En effet, ils partent en bondissant, de leur saut caractéristique. Aucun ou presque ne touche la piste : ça saute d’un bord à l’autre. Ainsi, en quelques minutes, le troupeau se retrouve de l’autre côté du pan. Sur ces dernières images, nous reprenons la piste vers notre campement, croisant à nouveau quelques gangas Namaqua et steenboks.

Retour au camp sans nos calaos ! Serait ce jour de RTT pour eux ? En revanche, nos copains les écureuils sont toujours présents, toujours aussi actifs et malicieux. Ceci n’empêche pas nos acharnés de reprendre leur partie de tarot. Autour on s’occupe comme on peut : par la lecture, l’écriture ou même simplement par le spectacle comique offert par les joueurs. Et nos calaos finiront par revenir, que nous puissions les voir une dernière fois.

Vers 17 heures, nous rembarquons pour un dernier tour dans cette partie du parc national. Béa et Ino ont choisi un des endroits qui nous a le plus réussi, à savoir le pan de Khiding. Et nous ne sommes pas déçus. Dès notre arrivée, nous tombons sur un troupeau d’oryx au milieu duquel s’est perdu un gnou qui suit le mouvement. Comme d’habitude, ils détalent aux premières prémices de bruit. En levant les yeux, nous constatons qu’une fois encore cette plaine est bien habitée. Au loin, on peut apercevoir des troupeaux de gnous, d’oryx et de springboks. En plus des ruminants, on note aussi la présence des désormais traditionnelles outardes, la grande et majestueuse kori, et la petite et bruyante korhaan (ou « ventre noir »). En faisant le tour du pan, nous mettons plusieurs oryx et gnous en déroute. C’est fou ce que ces animaux sont craintifs. Des coups de jumelles réguliers sont nécessaires pour tenter de débusquer un prédateur mais rien à l’horizon. Ayant quasiment fait le tour de la cuvette, nous apercevons deux chacals partis en maraude dans la plaine. Mais soudain, c’est la reculade. Cinq otocyons sortent de nulle part et repoussent le premier chacal. Et cela dure de longues minutes : la poursuite continue à travers la plaine, s’arrête puis reprend un peu plus tard. Il est assez comique de voir ces deux petits mammifères aux grandes oreilles lutter ainsi, sans même déranger les autres autour. Les oryx mis en fuite précédemment reviennent lentement avant de repartir et revenir à nouveau. C’est le mouvement perpétuel : il se passe toujours quelque chose dans ce pan.

Nous repoussons l’heure du retour au-delà des limites espérant croiser un prédateur en chasse. Mais en vain. Idem pour la piste de retour en pleine nuit. A certains endroits, c’est tout juste si on distingue la piste, même avec les phares, tellement les graminées ont poussé. Retour au camp pour un dernier repas et une dernière veillée à Mabuasehube. Demain, nous partons plein ouest vers l’Afrique du Sud.


Vendredi 3 mars, pan de Mabuasehube

Ce matin, malgré un réveil toujours aussi ponctuel, nous décollons plus tard. Pas de safari au programme. En effet, nous plions le camp pour explorer une autre partie de cet immense parc de Kgalagadi. Après avoir fait place nette, nous partons vers le sud en direction tout d’abord du pan de Mpaathutlwa. Il est particulièrement grand au sein d’une cuvette bien formée. Ici encore, c’est un petit coin de paradis pour les ruminants. Les troupeaux d’oryx et de springboks sont nombreux. De temps en temps, un gnou traîne au milieu. Cette fois, on aperçoit même une petite famille avec un petit. Ils sont en train de lécher le sel à la surface du pan. De l’autre côté, c’est une bonne dizaine d’autruches qui gambadent tranquillement. Dans un coin, c’est un petit chacal qui erre. Nous essayons de trouver quelques prédateurs sur les hauteurs, postes d’observation idéaux pour voir ce qui se passe dans la plaine. Peine perdue. Ils ne sont pas là ! Il y a juste les traces fraîches du passage d’un lion, ainsi que plusieurs vanneaux couronnés.

Nous remettons alors le cap, toujours au sud vers le pan de Bosobogolo, le plus au sud de cette partie du parc. C’est la première fois que nous y passons du fait qu’il est très excentré. Nous utilisons la piste gaiement sans trop prendre garde à la vitesse. Quelle n’est pas notre surprise quand nous tombons nez à nez avec un tracteur en train de passer son gyrobroyeur pour nettoyer un peu le milieu de la piste ! Enfin, nous arrivons aux abords de ce dernier pan. Celui-ci aussi est particulièrement grand. On y aperçoit bien évidemment des oryx et des springboks mais aussi des gnous et des outardes, petites et grandes. Mais comme la plupart, l’eau y est totalement absente : à la place, on ne trouve qu’une verdure épaisse. D’ailleurs, à Mabuasehube, l’étang a rétréci à vue d’œil pendant notre séjour. Il y a fort à parier qu’au retour, Béa et Ino le trouveront à sec. Après environ un quart de tour pour contourner le pan, nous atteignons enfin un panneau important pour la suite du périple : « Nossob valley, 170 km ».

En effet, la prochaine étape de notre reconnaissance est prévue près du lit de la rivière délimitant la frontière entre le Botswana et l’Afrique du Sud, toujours en plein parc « international ». Mais pour l’atteindre, il faut traverser une bonne partie du Kalahari d’est en ouest. Et là, il s’agit réellement d’aventure. Aucune assistance n’est possible en cours de route (euh, de piste !). Nous devons partir en complète autonomie. Et nous voici en piste pour de longues heures. Celle-ci est bien tracée mais particulièrement étroite (gare aux croisements éventuels, quoi que rares, voir inexistants au cours de notre passage) et très sinueuse. On arrive bien à faire des pointes à 40 km/h !! Malgré tout, nous sommes tous surpris par les paysages. Tout le monde s’attendait à un désert de sable. Mais ce n’est pas réellement le cas. Le sol est effectivement composé de sable, alternativement rouge ou blanc. En revanche, il est recouvert d’une végétation impressionnante. Les arbres sont nombreux de bout en bout. Ne parlons pas des graminées qui recouvrent de larges surfaces laissant parfois penser que nous sommes au milieu d’un champ. Et que dire des nombreuses fleurs qui ajoutent des touches de couleur à ce tableau déjà riche.

Mais la piste n’est en rien monotone : le paysage change souvent, la végétation dense laissant petit à petit place à des zones plus « désertiques ». De temps en temps, le terrain se vallonne du fait de la présence de dunes herbacées. Il est difficile de décrire ces différents paysages mais toujours est-il qu’on en prend plein les mirettes. Qui plus est, dans la première partie de la piste, nous traversons régulièrement des petits pans sans nom, environ tous les dix à quinze kilomètres. Et c’est l’escalade à chaque fois. Sur le premier, c’est un groupe très dense d’oryx, environ trente-cinq, qui nous accueille. C’est plus une masse compacte que des individus qu’on observe. Au suivant, en plus d’une cinquantaine d’oryx, nous découvrons une vingtaine de bubales rouges accompagnés de petits, dont certains tètent leurs mères sous nos yeux. Au troisième, ce sont des élans du Cap qui accompagnent des oryx ainsi que des springboks.

Par la suite, nous continuerons à apercevoir un peu de vie : quelques oryx solitaires, quelques bubales mais surtout des steenboks, qui, bien que d’apparence frêle, semblent les plus résistants à ce milieu hostile. Les outardes sont toujours présentes, quoi que moins nombreuses. Par contre, on redécouvre les énormes nids collectifs de tisserins républicains sociaux.

Non loin du but, nous traversons un lit de rivière asséchée : voici ce qui reste de la Nossob, qui n’a plus coulé depuis des décennies. Elle accueille néanmoins quelques gnous, et parmi eux, un petit qui tète goulûment.

Ca y est, nous voici en terre sud-africaine (officieusement, car nous n’avons pas encore franchi la douane). En fait, on ne réalise les formalités douanières qu’aux limites du parc transfrontalier, quand on sort du parc. On pourrait même imaginer ressortir par l’endroit où on est arrivé sans jamais passer la douane !! En revanche, tant la piste que l’équipement du camp de Nossob ne laissent pas de doute sur le changement de pays. Ce campement se trouve à peu près au milieu de la partie sud-africaine du parc. L’épicerie reste tout de même faiblement achalandée(c’est que la civilisation est encore loin !) et personne n’accepte autre chose que du rand et difficilement du pula (la monnaie du Botswana). La piscine est, quant à elle, bien plus accueillante et bienvenue : quel plaisir que ce petit bain ! Et pour terminer, des sanitaires tout ce qu’il y a de plus moderne. Bien évidemment, de ce côté du parc, nous ne sommes plus seuls : les 4*4 sud-af’ avec leur équipement de campement sont bien présents. Et le camp est entièrement clôturé, là où la veille nous étions totalement en liberté !!

Voici pour notre première nuit en terre sud-africaine, nuit qui clôture une journée marquée par deux incidents mécaniques. Sans eux, la reco n’en aurait pas été une. Rien de grave tout de même. D’abord une crevaison pour Ino qui nous a obligé à creuser la piste pour réparer, et une surchauffe pour Béa suite à l’accumulation de graminées dans le radiateur et partout dans le véhicule !


Samedi 4 mars, camp de Nossob

Changement de pays et changement de température : le réveil est plus que frais ce matin, même avec le duvet. Il fait bon autour de la bouilloire ! Nous attendons 6h30 que les portes du camp ouvrent pour partir vers le nord de la vallée de Nossob. Ici, la piste est large et on ne craint pas grand chose pour les 4*4. en fait, elle est tracée dans ce qui fut le lit de la rivière. La dernière fois que l’eau a coulé, c’était dans les années soixante. Désormais, ce sont la plupart du temps des grandes prairies vertes piquées d’arbres. Et de part et d’autre, deux grandes dunes herbacées. Un paysage bien sympathique plein de contrastes.

Assez rapidement, nous apercevons deux chacals qui trottent tout près. Monsieur jappe pou sa femelle, tandis que Madame se fait les dents sur un morceau de bois. Nous sommes impressionnés par le nombre d’herbivores présents dans cette vallée. Les oryx sont présents par centaines (en différents troupeaux quand même !). On observe aussi de nombreux bubales rouges de tous âges. Pour la première fois, les gnous sont présents en nombre respectable. A un endroit, ils ont même fait coucher les petits en cercle au milieu du groupe. Un peu plus loin, arrivés à un trou d’eau artificiel, ce sont de nouveau des chacals qui nous font le spectacle. En venant boire, ils se reflètent joliment à la surface. Nos « amis » les chacals continuent à nous amuser. Cette fois, c’est un groupe de cinq qui essaie d’en chasser un sixième. Et ça cavale, et ça cavale. Nous avons enfin la chance d’apercevoir des otocyons d’un peu plus près et « entiers ». Ils sont trois, installés au pied d’une souche. Ils sont mignons avec leurs grandes oreilles et leur fourrure. En revanche, ils sont experts dans la technique de creusement. Le sable gicle à grandes volées derrière eux !

Pendant longtemps, nous sommes seuls sur la piste. Puis finissent par arriver les sud-af’, pas trop n ombreux, heureusement, avec leurs cigarettes et leurs canettes de bière !! Chemin faisant, nous les retrouvons arrêtés en bord de piste. A première vue, il n’y a rien de particulier à l’horizon hormis un troupeau de springboks et deux groupes d’oryx. Par acquis de conscience, nous sortons les jumelles pour être sûrs de la raison de cet attroupement. Et nous découvrons l’objet de tous les intérêts : un guépard assis dans la plaine au milieu des hautes herbes. Une longue attente débute. Très vite, nous n’apercevons plus que sa tête, puis plus rien. Alors nous attendons jusqu’à e qu’il se relève pour avancer de quelques mètres, tous les muscles tendus, toujours en direction des springboks, au milieu desquels se trouvent quelques cibles de choix, des petits. Et puis il se recouche à nouveau pour de très longues minutes. Nous finissons par monter sur le toit du 4*4, en plein cagnard, pour mieux voir la scène qui se trame. Quelques oryx passent non loin du guépard sans même le voir. Lui ne détourne même pas la tête : ces animaux sont bien trop gros pour lui. Et le manège continue ! Jusqu’à ce qu’un oryx finisse par apercevoir le guépard au moment où il s’avance. Le message semble passer au mâle springbok qui finit par faire reculer son groupe. Pour l’instant, la chasse semble avortée. Nous n’aurons récolté qu’un bon coup de soleil. L’heure avance et nous en profitons pour rentrer au camp. En chemin, nous retrouvons les oryx au même point d’eau, en train de lécher le sol, accompagnés de gnous qui font de même. Plus loin, c’est une dizaine d’autruches qui s’éloignent de la piste.

Pendant le repas de midi, décision est prise de participer au « night drive » organisé par l’administration du parc. Ceci annule, de fait, notre propre sortie de l’après-midi. Pour 110 rands (soit environ l’équivalent en francs), nous devrions faire un safari de 18 à 21 heures. En attendant, chacun profite de l’après-midi à sa façon. Les activités sont variées : lessive, lecture, écriture, baignade à la piscine et l’incontournable tarot. Vu que l’heure du repas sera tardive, Béa et Ino organisent un petit goûter, le tea-break de 17 heures, avec boissons chaudes et petits gâteaux. Grand luxe !

A 17h45, nous nous présentons à la réception avec un bon quart d’heure d’avance, histoire de faire bisquer la fille de l’accueil qui nous prenait pour des gros lourds ! Nous y attend un grand camion bâché sur le dessus et équipé d’une vingtaine de sièges. Nous y rejoint le chauffeur, un sud af’ blanc avec sa queue de cheval, équipé de son arme automatique, genre M16. Quel cinéma ! Quand on pense que cela fait sept jours que nous vivons dans la nature, sans arme. Enfin bon !! Après les consignes de sécurité et la signature d’une décharge en cas d’accident, nous partons en empruntant la piste du matin. Nous qui espérions prendre de nouvelles pistes, réservées !! A chaque groupe d’herbivores aperçu dans la plaine, il s’arrête pour nous les présenter. Certes intéressant mais pas vraiment l’objectif de notre sortie nocturne : ceux-là on peut les apercevoir toute la journée ! Nous avançons ainsi pendant plus de vingt kilomètres avant de faire  la pause (au bout d’une heure) au beau milieu de la piste, même pas à un endroit plaisant pour le coucher de soleil ! Et nous n’avons l’autorisation de descendre qu’à partir du moment où il a chargé son fusil mitrailleur. C’est vrai qu’on risque beaucoup en plein découvert dans un terrain plat. Quel cinéma encore une fois ! Néanmoins, l’endroit et l’atmosphère y sont reposants. La douceur après la chaleur de la journée, les grands espaces déserts, cette lumière faiblissante. Tout concourt à ce sentiment de sérénité. C’est en repartant qu’il nous fournit deux projecteurs, un pour chaque côté. A notre charge d’en faire bon usage et de débusquer la faune.

Nous avançons ainsi jusqu’au second trou d’eau où nous apercevons, de loin, un chacal venu boire. Désormais, avec Béa, nous avons la lourde tâche de trouver tout ce qui bouge, et sans faiblir ! Un co-passager (le seul pour être exact) est le premier à dégainer alors que la nuit n’est pas encore totalement tombée. Il nous signale un renard du Cap, le plus petit des renards, avec son épaisse queue noire qu’il remue pour impressionner les prédateurs. Son petit museau et sa petite tête le rendent craquant. Fred réplique avec un premier lièvre sauteur. Après l’avoir vu plusieurs fois juste par ses yeux, nous découvrons enfin l’aspect de la bête. Il faut imaginer un lapin qui aurait été croisé avec un kangourou : même démarche ! Nous en verrons par la suite plusieurs dizaines tout le long de la piste. Il ne me restait plus qu’à réagir. C’est chose faite lorsqu’un rare chat sauvage africain entre dans mon faisceau. Ce très gros chat reste très longtemps dans notre lumière. Nous pouvons admirer sa fourrure sable et sa façon de faire sa toilette comme nos matous domestiques. Plus tard, nous retrouvons quelques otocyons plutôt fugaces. Le chauffeur n’est pas en reste en trouvant tour à tour sur la piste une vipère Puff Adder, grosse vipère toxique, et un beau Grand-Duc africain. Il faut imaginer une grosse chouette aux tons gris avec une sorte d’épais pantalon blanc. Sur la fin, Béa découvre une paire d’yeux dans un arbre. Mais en guise de léopard, il s’agit d’une civette commune, sorte de chat élancé. A 21 heures pile, notre ranger nous ramène au camp. Dommage qu’il roule trop vite malgré nos injonctions, empêchant certaines observations ; dommage qu’il consacre autant de temps, au début, non pas aux prédateurs mais aux « cibles ». Heureusement que nous avons vu de nouvelles espèces ce soir.

Ce soir encore, nous sommes un peu décalés. Et les plus courageux vont faire un trou d’eau aménagé à l’entrée du camp. Malheureusement, nous n’y voyons qu’un oedicnème tacheté. Une bonne nuit de sommeil sera la bienvenue.


Dimanche 5 mars, camp de Nossob

Pour la première fois, j’ai fait une nuit complète sans réveil en pleine nuit, ni fraîcheur nocturne. Réveillé juste un peu avant l’heure, comme si j’avais avalé le réveil !! Le camp est plié encore plus vite que d’habitude. A croire qu’on prend le coup ! Avant de partir, nous faisons un dernier tour au trou d’eau du camp, mais, comme la veille au soir, il est plutôt désert : juste quelques oiseaux.

Nous prenons alors la piste vers le sud, direction le camp de Twee Rivieren, à environ 150 kilomètres, où se trouve l’entrée sud-africaine du parc Kgalagadi Transfrontier. Pendant les premiers kilomètres, le paysage est morne : je veux dire par là que la plaine est vide de tout animal, simplement la verdure et les dunes de part et d’autre de la vallée. Et puis, petit à petit, la vie s’éveille, de plus en plus. On ne compte pas les innombrables troupeaux d’oryx, toujours aussi beaux et photogéniques. Ils nous font même le plaisir d’être moins farouches ce qui nous permet de les photographier de plus près. C’est d’ailleurs une caractéristique de la plupart des animaux dans cette partie du parc : avec le nombre plus important de touristes, ils se sont un peu habitués, ce qui change du contact que nous avions côté Botswana. Nous retrouvons aussi de nombreux bubales, surtout pendant la première partie du trajet. Il y a même quelques jeunes dans les groupes. Nous avons, en revanche, la chance de voir beaucoup de gnous : quelques fois solitaires, d’autres fois en compagnie d’oryx ou de bubales, mais surtout pas mal de troupeaux avec des jeunes. Cet animal semble apprécier le réconfort de l’ombre car on l’aperçoit régulièrement couché au pied des arbres.

C’est aussi la journée des autruches : qu’elles sont nombreuses tout au long de la piste ! La plus belle scène est sans conteste cette nurserie que nous croisons à un point d’eau. De loin, nous ne distinguons qu’une dizaine d’adultes, en partie au milieu de la piste. Mais en approchant, nous découvrons une bonne trentaine d’autruchons de toutes tailles encadrés de près par quelques adultes, qui semblent les conduire, comme une institutrice avec ses petits élèves. Il faut profiter du spectacle car il ne dure pas longtemps : toute cette petite compagnie est rapidement conduite à l’abri, loin de la piste. Bien évidemment, comme depuis quelques jours, nous croisons énormément d’outardes kori. On pourrait presque parler de troupeaux. Par contre, nous avons une chance terrible avec les serpentaires. En tout, nous avons bien dû en voir une quinzaine. Cet oiseau est vraiment magnifique et majestueux. Il tient son nom de son aptitude à attaquer les serpents en les serrant avec ses pattes avant de les attaquer à coup de bec. Dans l’après-midi, nous avons l’occasion d’apercevoir deux rolliers : ils sont toujours aussi beaux avec leurs multiples couleurs. Au plus nous allons vers le sud et au plus nous remarquons la présence des énormes nids de tisserins républicains sociaux qui y vivent à plusieurs dizaines voir centaines. Certains arbres sont totalement envahis, hébergeant jusqu’à cinq ou six nids différents.

Un des derniers spectacles nous est offert par une mangouste à queue touffue, toute petite et d’un beau roux. Alors que nous tentons de l’approcher lorsqu’elle arrive sur la piste, elle disparaît dans le bas-côté avant de réapparaître vingt mètres plus loin. Evidemment, nous avançons pour tenter de l’observer de plus près. Et voici que le manège recommence ! Nous décidons alors de prendre de l’avance sur elle. Mais quelle n’est pas notre surprise de la voir courir sur le bord de la piste pendant de longues minutes ! Un dernier passage sur la piste et elle disparaît définitivement de notre vue. Quelle petite bête ! Elle devait être épuisée après une telle course.

Cette journée ne serait pas complète sans parler du paysage. Ca celui-ci change énormément au fil des kilomètres. Nous passons ainsi de zones « vertes » à une ambiance plus désertique où nous voyons de plus en plus de dunes rouges, à nu. Plus loin, des petites falaises de pierre encadrent la piste. Autant dire que le décor offert aux animaux et aux visiteurs est parfait. Il n’y a guère que le design des deux lieux de pique-nique installés au bord de la piste qui peut laisser à désirer. Mais ils ont le mérite d’exister. Et ils peuvent avoir une utilité insoupçonnée. En effet, en portant assistance à un couple de vieux sud-africains en panne d’alternateur, nous retrouvons les suisses francophones déjà croisés à Nossob. Et ne se souhaitant une dernière fois une bonne continuation, ils nous apprennent que le sud de la Namibie, là où nous souhaitons aller, a subi de grosses inondations, jamais vues de mémoire d’homme. Eux-même ont eu des soucis pour franchir les gués ! Ca promet ! Mais pour en revenir à la vallée de Nossob, il existe, tout au long, des trous d’eau artificiels ; néanmoins, la technique sud-af’ semble assez bizarre avec ces éoliennes bien voyantes, ces énormes réservoirs et souvent pas d’eau à portée des animaux. Etrange pour un pays aussi organisé !

Nous arrivons finalement en milieu d’après-midi au camp de Twee Rivieren où on nous renvoie presque immédiatement du côté botswanais, à quelques centaines de mètres. Il faut dire que ce parc a la particularité, comme son nom l’indique, d’être à cheval sur deux pays. Ainsi, en traversant le parc, on passe la frontière sans formalités mais il faut régulariser la situation en sortant, d’un côté ou de l’autre. Pour la première fois depuis que je voyage, les tampons sont obtenus en quelques minutes, et nous voici de nouveau en situation régulière officiellement en Afrique du Sud. Nous pouvons alors monter le camp mais malheureusement dans un coin un peu pierreux (heureusement, c’est pour une seule nuit !). Après cela, il est temps de faire un petit tour du propriétaire, histoire de trouver la piscine, malheureusement un peu petite et dont l’eau est plutôt trouble, et la boutique, bien mieux achalandée que celle de Nossob, mais inévitablement un peu chère et n’acceptant que les rands, dollars namibiens ou la carte bleue. Rien n’est vraiment fait pour le touriste côté change. Mais bon, on fait avec. Et puis cet endroit est l’occasion de trouver de belles cartes postales et quelques présents pour les proches.

Voici une nouvelle journée qui se termine. La dernière dans le parc de Kgalagadi. Désormais, c’est le sud de la Namibie et de nouveaux horizons qui nous attendent.


Lundi 6 mars, camp de Twee Rivieren

Dernier réveil en terre sud-africaine. Une petite pensée pour Papa qui fête son anniversaire aujourd’hui. Une fois encore, nous levons le camp en une vitesse record. C’est parti pour une longue journée de liaison qui doit nous conduire à un bivouac sauvage, non loin du canyon de la Fish River. Il faut pour cela descendre vers le sud, d’abord par une piste en complets travaux, qui nous fait longer les cordons de dunes bien rouges, un peu à l’image de ce qu’on peut voir dans le désert du Namib la civilisation reste néanmoins clairsemée, bien que présente depuis la sortie du parc. Et c’est bien avant la première ville, Upington, que nous bifurquons à l’ouest, sur une route bitumée en direction de la ville frontière de Rietfontein. Les premiers kilomètres nous font traverser de nouveaux pans, dont le premier, encore en eau, est certainement le plus beau. Il n’y a néanmoins aucune faune, juste pour le plaisir des yeux, pour ses multiples dégradés de vert et de rouge. Mais toutes les bonnes choses ont une finet la route se transforme en piste, certes roulante mais pour le moins déserte. C’est d’ailleurs là que nous tombons en panne : un des 4*4 commence par refuser de s’arrêter même en retirant la clé, puis refuse de redémarrer. Suite aux vibrations, un des câbles de la batterie s’est déconnecté. Nous parvenons enfin à la ville frontière : nous avons tous l’image du bagne en pénétrant dans cette ville tristounette à souhait et pas franchement accueillante. On se sent vraiment à la marge du pays. Qui plus est, il n’est pas évident de trouver le bon chemin pour rejoindre la frontière. Heureusement, la ville n’est pas très grande et on a vite fait le tour pour trouver le bon chemin.

Les formalités se déroulent vite et bien, hormis le fait que la police sud-africaine nous confisque le bois pour le feu (interdiction de franchir la frontière avec !!). En revanche, côté namibien, une fois n’est pas coutume, ils sont particulièrement sympathiques et nous fournissent quelques précieux renseignements concernant la meilleure piste à emprunter et les suites des inondations. Le douanier nous demande même si nous parlons espagnol et, trouvant quelques interlocuteurs parmi nous, discutent un peu dans cette langue. Cette scène est quelque peu ahurissante, au fin fond de la Namibie entre un groupe de français, un douanier et un policier namibiens, tous penchés sur la carte routière étalée sur le capot !! Nous voici désormais en Namibie, dans le sud du pays. Après Aroab, étape obligée pour acquitter une taxe routière (dans un pseudo restaurant !!), nous descendons au sud vers la ville de Karasburg, une ville indispensable pour effectuer le ravitaillement (bouffe, carburant, et fringues pour Dominique !).

En chemin, et pendant toute l’après-midi, nous découvrons les séquelles des inondations d’il y a une huitaine de jours, suites aux pluies torrentielles. Les lits de rivière ont quelque peu abîmé la piste. C’est d’ailleurs près d’une de ces rivières asséchées que nous faisons la pause à l’ombre d’un arbre abritant un immense nid de tisserins républicains sociaux. Le spectacle est impressionnant pendant toute la durée de notre pique-nique et les erreurs sont rares lorsque les volatiles rentrent au nid pour retrouver leur propre « appartement ». Et ça piaille drôlement quand c’est un adulte qui ramène de la nourriture. On a alors l’impression que tous les petits du nid réclament en même temps. A Karasburg, nous trouvons tout le nécessaire pour acheter ce qui manque. Il y a même deux banques, mais qui refusent les cartes bleues ; reste à faire la queue assez longuement pour faire du change. Nous nous rendons aussi compte que les gens du coin ne parlent pas anglais mais plutôt un semblant d’allemand ! Encore une fois, après quelques kilomètres de bitume, nous retrouvons la piste de graviers bien roulante. Il faut juste faire attention aux lits de rivières et aux indications kilométriques ; les cartes ne semblent pas correspondre à la réalité. Ces erreurs nous conduisent à faire la liaison d’une traite, là où nous pensions mettre deux jours !

Nous sommes contraints de faire 70 kilomètres de plus pour parvenir à Ai Ais, le campement installé au sud du canyon de la Fish River. Nous arrivons recouvert d’une fine couche de poussière bien uniforme sur la totalité des véhicules (extérieur et intérieur) et des passagers. Quand à Ino et Béa, ils finissent la journée exténués par ces très nombreux kilomètres. Le camping où nous arrivons est sensé être fermé depuis huit jours, des suites des inondations, dont on peut constater les nombreuses séquelles. Nous négocions auprès du garde pour aller voir l’état réel du terrain de camping et nous tombons sur une belle pelouse verte, à côté de la piscine. Malgré  la boue présente un peu partout autour, nous décidons de nous installer là. Et nous verrons bien demain pour régulariser ce campement aux airs de squat ! Le parking ainsi que la plupart des blocs sanitaires sont remplis de boue en train de sécher mais bien heureusement, les sanitaires de la piscine ont été épargnés : nous devrions être bien ici ! Et puis, nous ne risquons pas d’avoir froid entre les deux proches falaises rocheuses qui renvoient la chaleur accumulée dans la journée.

Côté paysages, nous sommes bien en Namibie : c’est typique et cela commence, bizarrement, dès la frontière. C’est de suite les grandes étendues désertes sans âme qui vive, et toujours ces clôtures sans fin. Entre deux fermes, il faut bien compter une cinquantaine de kilomètres : pratique pour les apéros ou repas entre voisins ! Après les plaines viennent les décors de western, genre Arizona, puis des montagnes diverses et variées mais la plupart du temps sous la verdure. Nous commençons aussi à voir quelques Kokkerboom (ou arbres carquois) dans les zones rocheuses ainsi que des petits damans sur les tas de rochers. D’ailleurs, ici, ils ont la fourrure plus sombre pour se camoufler au milieu, contrairement à ce que j’avais vu au Malawi, plutôt gris. Les vingt derniers kilomètres se déroulent dans la descente du canyon. Petit à petit, nous avons l’impression de descendre dans les entrailles de la terre entre ces deux parois. Et la fournaise à l’arrivée ne fait que renforcer ce sentiment !

Après presque six cents kilomètres dans la journée, et une journée entière de poussière, le sommeil est trouvé rapidement par tout le monde. Ce soir, les duvets et les doubles toits des tentes ne sont pas vraiment nécessaires.


Mardi 7 mars, Camp de Ai Ais

Le réveil est doux, après cette nuit reposante sur l’herbe épaisse, au clair d’étoiles. Ce matin, nous ne sommes pas stressés : rien à démonter, pas de départ à l’aube. Nous prenons donc notre temps. Nous consacrons la matinée à profiter du sud du canyon. Nous stoppons très souvent pour prendre des photos du site. D’abord dans la montée où nous nous consacrons surtout aux fleurs, aux plantes et aussi, quand même, à la rivière qui a encore la couleur boueuse des inondations. Arrivés sur les hauteurs, nous zigzaguons entre les petites montagnes de pierre. Un peu partout poussent des kokkerboom, directement sur la roche. Malheureusement, souvent derrière des clôtures (comme trop souvent en Namibie). En coup de vent, nous apercevons un oréotrague sur une crête (une gazelle des montagnes), mais trop vite pour réussir à l’immortaliser. Nous sommes en plein univers minéral ; certains « monticules » offrent d’intéressants points de vue. Souvent nous trouvons de belles fleurs qui rajoutent des couleurs à la palette déjà fournie, de nombreuses euphorbes et aussi divers gros insectes dont l’impressionnant criquet cuirassé terrestre. Et quelques kilomètres plus loin, nous avons droit à l’éblouissement. Au détour d’une petite descente, nous découvrons une partie des falaises du canyon à l’image de celles du Grand Canyon américain. Autant dire que les appareils photo crépitent. De tous côtés le paysage est magnifique. On a vraiment hâte d’en découvrir plus, mais ce sera pour demain. Il est l’heure de retourner au camp, la température monte et la lumière n’est plus optimale. Arrivés à destination, tout le monde cherche l’ombre. L’eau coule à flots, et pas seulement dans le lit de la rivière. Nous expérimentons les méthodes de rafraîchissement (douches tout habillé, etc …). Mais cette chaleur n’empêche toujours pas les joueurs de se lancer dans leur tarot habituel. Je consacre pour ma part le début de l’après-midi à écrire mes cartes postales.

Vers 16 heures, je me décide à partir faire une ballade le long de la rivière alors qu’il fait encore chaud. Au passage, j’en profite pour découvrir le camp de Ai Ais. Cela ressemble à une sorte de village de vacances avec terrain de camping, aire pour les 4*4 camping car, appartements dits de luxe, boutique, bar-restaurant, station-service, piscine, et même un cinéma de plein air, le tout niché entre ces deux étroites falaises, au bord de l’eau. Il y a même une source d’eau chaude qui coule à environ 65°C, et qui a donné son nom au lieu. Mais pour l’instant, la source fait grise mine : va falloir attendre le nettoyage ! Couvert, crémé, et équipé de ma gourde bien pleine, je me lance vers le canyon. Le passage est souvent étroit soit sir le peu de sable au sec, soit sur les rochers qui rayonnent leur chaleur. On voit encore les nombreux stigmates de l’inondation. La montée des eaux a dû être d’environ deux à trois mètres !Nombreux sont encore les endroits humides et les falques ou  bras morts qui croupissent. Pas d’ombre à l’horizon pour faciliter la progression. Du coup, j’essaie de suivre la trace des babouins qui se révèle souvent la bonne. Enfin presque ! Heureusement que j’ai enfilé les chaussures de randonnée pour les zones boueuses. Après une heure d’effort sous le cagnard, je décide de faire demi-tour, me rendant bien compte qu’il est quasi impossible d’atteindre une enfilade du canyon. Même la faune reste cachée : pas un oiseau ni un babouin. Et pourtant ! Chemin rentrant, je croise d’abord Sophie qui décide poursuivre, puis Nelly qui fait demi-tour pour rentrer avec moi, et tous les autres que nous rejoignons quasiment au camp. Une bonne ballade de deux heures qui aura au moins fait du bien à l’organisme, faute du plaisir des yeux. Au retour de Sophie, elle nous raconte qu’elle a eu une belle frayeur lorsqu’une dizaine de babouins s’est retrouvée sur son chemin.

Nous finissons la journée par un bon repas local à base de saucisses sud-af’ grillées et de « butter nuts » bouillis mais excellents (il s’agit d’une sorte de cucurbitacée à la chair orange et à la peau blanche). Jamais nous n’avons autant bu qu’aujourd’hui (6 à 8 litres chacun !!). Même le vent et la nuit restent chauds !


Mercredi 8 mars, camp de Ai Ais

Nous quittons Ai Ais et son camp désert pour remonter le cours de la Fish River et du canyon. Histoire de faire un peu d’effort physique, nous partons devant, à pied, en attendant que les véhicules nous récupèrent. Puis nous reprenons la piste que nous avions emprunté la veille, direction plein nord. Nous roulons bien pendant toute la première partie que nous avons déjà découvert la veille, jetant tout de même un coup d’œil à ce superbe paysage dès qu’apparaissent quelques falaises du canyon. Nous poursuivons notre route dans le même paysage. Les bords de la piste sont bien jaunes avec les parterres de fleurs sauvages. Partout autour, nous observons de nombreux bosquets d’euphorbes, et, de temps en temps, un kokkerboom. Le paysage reste toujours vert. Il semble que nous nous éloignons du canyon. Nous retrouvons alors quelques montagnes « tables ». Dernier embranchement et nous devrions atteindre Hobas en bas d’une bonne descente. D’ailleurs le panneau indiquant celle-ci nous fait sourire. Elle représente une voiture qui a percuté un camion sur une pente !! C’est à cet endroit qu’est situé le camp au nord du canyon. Contrairement à ce que nous pensions, Hobas est une impasse où se trouve seulement le camp. Mais pour atteindre le point de vue sur le canyon, il faut continuer plus loin par une piste caillouteuse d’une dizaine de kilomètres. En chemin, nous apercevons même un panneau indiquant un aéroport. Si, si !!! Mais d’avions, pas de traces ! Nous poursuivons donc jusqu’au point de vue principal.

Nous l’apercevons d’assez loin avec les paillotes installées pour abriter le public du soleil. De part et d’autre a été installée une barrière, des fois que quelqu’un voudrait sauter. Mais il faut vraiment s’approcher jusqu’à la terrasse d’observation pour se rendre compte du paysage. Et là, c’est la révélation ! Sous les yeux, nous retrouvons ce qu’on a pu voir sur les affiches, les cartes postales ou le Net. Le canyon fait une large boucle sous nos yeux, puis une autre un peu plus loin sur la droite. Au fond coule la Fish River, toujours aussi boueuse mais finalement bien assagie. Les appareils crépitent pour immortaliser ces deux falaises érodées pendant des millions d’années, falaises qui s’enfoncent dans la terre, créant une faille au milieu des plateaux de verdure. Au plus nous regardons, au plus nous trouvons de nouveaux sujets de clichés. La rivière et le canyon sinuent sous nos yeux. Que la nature fait de bien belles choses avec l’érosion, et surtout beaucoup de temps. Nous continuons jusqu’à un second point de vue, un peu sur la droite à trois kilomètres. C’est de cet endroit que part le chemin de randonnée qui parcourt  le fond du canyon. Il faut tout de même savoir que le trajet fait 85 kilomètres sans logistique possible ! Et les premiers mètres de la descente laissent présager une descente abrupte et sportive. D’ailleurs, le passage est interdit pendant plusieurs mois, jusqu’au mois d’avril.

Nous nous contenterons des crêtes. De cet endroit, nous pouvons observer la fameuse boucle sous un autre angle. Nous apercevons en particulier la falaise située sous le point de vue principal, mais aussi les boucles suivantes. De cet endroit, l’arrière-plan est parfait pour faire des photos de groupe dans un décor grandiose. Retour en arrière pour aller voir un autre point de vue, à l’écart de la piste, à environ huit kilomètres. Ici plus de barrières. Nous pouvons approcher jusqu’au bord du précipice pour voir l’effet. Gare à ceux qui auraient le vertige. Au plus profond le canyon descend à près de 550 mètres pour une largeur maximale de 27 kilomètres ; d’ailleurs, nous n’avons jamais l’impression d’une telle distance, tellement le cadre écrase tout. De part et d’autre de notre point de vue, nous distinguons les zig-zag du canyon. L’endroit n’a vraiment rien à envier au Grand Canyon du Colorado. Après tous ces paysages, nous retournons à Hobas, laissant derrière nous divers autres points de vue en aval. En chemin, nous faisons une halte à l’étang situé juste avant le camp. Il y a quand même un couple de tadornes à tête grise, une sorte de canard d’un beau marron avec une tête grise.

Enfin, nous arrivons au camp. Un rapide tour à la réception et à la micro boutique, quasi vide (que ce soit en ravitaillement ou souvenirs), et nous nous installons sur un terrain quasi désert. L’endroit est bien sympa : beaucoup d’ombre sous les acacias, d’excellentes installations pour le feu, une robinetterie rutilante et même le tri des déchets. Nous occupons l’espace en posant nos tentes sur un large rayon !! Par contre, ce camp est beaucoup plus petit et moins développé que celui d’Ai Ais malgré sa plus grande proximité avec Windhoek. Peut être que les gens ne viennent ici que pour la journée. Pendant la partie de tarot quasi quotidienne, je me mue en chasseur d’images pour immortaliser les oiseaux qui tournent autour de nous : en particulier les bulbuls brunoirs, jolis oiseaux à tête noire, œil rouge, ventre jaune et dos brun, et aussi des colious à dos blanc, de petits oiseaux gris à huppette et à longue queue.

Vers 17 heures, nous repartons vers le canyon, abandonnant Béa sur le camp. A la sortie, nous tombons sur un gros mâle babouin chakma noir. Nous espérons voir le canyon sous un autre jour, et pourquoi pas réussir un beau coucher de soleil. En fait, le soleil descend juste derrière le méandre du point de vue. Autant dire que la lumière est pesante sur ce superbe paysage. Il n’y a guère qu’en marchant sur les côtés du précipice qu’on parvient en partie à éviter les contre-jour. Et là où la lumière se réfléchit, les falaises prennent une jolie teinte jaune-rouge. Ce n’est qu’en patientant jusqu’au coucher du soleil que nous sommes enfin récompensés. Non pas que le coucher soit réussi (la faute à un horizon plat), mais d’un coup, le canyon reprend une nouvelle lumière et les crêtes se nimbent de cette lumière rouge de fin de journée. Dernier regard au canyon de la Fish River avant de retourner au camp. En prenant tout de même le temps de faire une blague à « Doume » qui s’était éloigné. Un 4*4 s’éloigne tandis que nous cachons le second entre deux camions d’overlanders. Manque de pot, par manque de réactivité, le plan foire et il nous voit faire. Ce n’est que partie remise !

Sur le chemin du retour, que nous imaginions banal sur cette piste pierreuse, au milieu des champs de cailloux. Nous apercevons d’abord un, puis deux autres grands koudous mâles. Ils sont encore jeunes et cherchent à traverser la piste. Entre chien et loup, nous aurions pu tout aussi bien les manquer. Surtout que nous ne nous attendions pas à les voir dans un tel endroit. C’est ensuite un springbok qui apparaît sur la gauche. Et c’est en cherchant le reste du troupeau que Béa distingue une masse mouvante. Il s’agit en fait de sept zèbres des montagnes (ou zèbres de Hartmann) qui cherchaient à rejoindre l’étang pour se désaltérer. Nous les avons coupés dans leur élan. Ils sont marrants à observer, se déplaçant toujours serrés, au moins à six, comme s’ils étaient attelés. Là encore, une belle surprise de les trouver là alors qu’ils sont si rares. Nous rentrons enfin au camp qui s’est bien rempli depuis notre arrivée. Ce sera le lieu de la dernière blague du jour : alors que « Doume » (encore lui !) est parti prendre sa douche, nous déplaçons, avec Ino et Claude, sa tente de place. Manque de pot, désorienté par la nuit noire dans un camp très peu éclairé, il ne semble même pas s’en rendre compte. Affaire à suivre. Il faudra quand même qu’on lui en parle un de ces jours.


Jeudi 9 mars, camp de Hobas

Nuit agréable, température idéale quoi qu’un peu fraîche sur la fin. Toujours pas de remarque de ‘Doume’ sur sa tente ! Par contre, nous avons une mauvaise surprise : le pneu avant gauche de Béa est encore crevé. C’est la troisième fois ! Cependant, nous avons le bon rythme et ceci est réglé en quelques minutes à peine. Désormais, nous n’avons plus qu’une seule roue de secours pour les deux véhicules.

Pour rester dans l’esprit, la route du jour commence par une piste d’une centaine de kilomètres. Nous laissons Béa partir devant pour éviter la poussière soulevée. Une fois encore, nous constatons les ravages creusés par les dernières pluies. Régulièrement, des pans entiers de pistes sont partis ne laissant qu’une seule voie de circulation. Nous sommes aussi attentifs aux panneaux. En France, il n’y a qu’un panneau pour prévenir les traversées d’animaux sauvages ; mais ici, il y a presque un panneau par animal. Nous apercevons ainsi celui de l’autruche, celui du phacochère, … A quelques dizaines de kilomètres de Keetmanshop, nous sommes tout simplement déviés de notre axe. Nous suivons donc sans trop savoir où nous allons. Finalement, nous parvenons au pied du barrage de Naute, avec un passage à gué obligatoire ! C’est l’occasion de quelques photos sympas. Aigrettes et hérons nichent tout près en aval. On arrive à les distinguer  en grimpant sur les rochers qui recouvrent l’eau qui s’écoule du barrage. A croire qu’il y a eu trop d’eau pendant les pluies et qu’ils ont été obligés de la lâcher, provoquant ce passage à gué. Certains se hasardent à retraverser de plot en plot le long de la route : mais quelle rigolade quand arrive un véhicule ; c’est alors la débandade pour éviter la douche. Seul bémol : les nombreux poissons morts sur le bord.

Finalement, nous retrouvons le bitume en rejoignant la route qui relie Lüderitz, sur la côte, à Keetmanshop. En y regardant de plus près sur une carte, nous nous rendons même compte que cette déviation se révèle en fait être un raccourci ! C’est aussi au moment où nous retrouvons le goudron que nous coupons la voie ferrée avant de la longer longuement. Les gares méritent le détour : un simple panneau avec un nom, rien de plus, pas même un semblant de quai. Un peu plus tard dans la journée, nous verrons enfin le train, mais nulle trace de passagers, juste un peu de fret et quelques citernes.

Keetmanshop, « grande ville » du sud, est contournée sans le moindre égard. Nous continuons notre route vers le nord. C’est là que Béa a droit à un contrôle de police, sans ceinture ni papiers. Nous continuons et nous cachons un peu plus loin pour les attendre. Mais rien ne se passe : l’agent voulait juste contrôler le permis de conduire. Un peu plus loin, nous assistons à la technique de comptage des véhicules en Namibie : une série de véhicules garés au bord de la route avec quelqu’un à bord qui compte les passages (ils ne connaissent pas les câbles que nous avons en France !). Quelques kilomètres encore et nous apercevons de très nombreuses autruches sur la droite : il s’agit d’un gros élevage, avec abattoir et tannerie. Les affaires se gâtent lorsque Béa crève à son tour. Le changement de roue au bord de la grande route, alors que les semi-remorques filent, n’est pas des plus aisés. Finalement, nous repartons assez vite avec une bonne suée. C’est que le soleil tape dans cette région sans ombre. En revanche, nous n’avons plus droit à l’erreur.

Mariental devient alors une étape indispensable. Il faut préciser que c’est la ville qui aurait été la plus touchée par les pluies avec deux mille habitants évacués. Les premières impressions confirment ce que nous avions entendu dire. Une marque sombre s’est imprimée un peu partout dans la ville à plus d’un mètre du sol ; partout des clôtures couchées ou colmatées par les débris. Ici des engins de chantier embourbés dans une gangue sèche, là des rues où trônent des tas de boue devant les habitations. Pas de doute, nous avons l’impression d’arriver après une guerre. La vie semble au ralenti mais elle a bien repris. Non sans difficultés, nous dénichons un garage qui veut bien réparer nos trois chambres à air. Je reste là avec Ino et Sophie tandis que les autres partent à la recherche de ravitaillement avec Béa, et deux derniers qui vont marcher dans la ville.

Il ne reste plus que quelques kilomètres avant d’atteindre le terme de l’étape du jour, à savoir le barrage de Hardap, le plus grand réservoir d’eau du pays avec ses 300 millions de mètres cubes sur 25 km², à une trentaine de kilomètres au nord de Mariental, sur la route de Windhoek. Autour de ce barrage et de son importante retenue d’eau ont été installés non seulement un complexe hôtelier (bungalows, camping, piscine, restaurant, boutique et  une salle de conférence) mais aussi une réserve naturelle sur l’autre rive du lac. C’est pour cette raison que ce lieu a été choisi.

Dès le camp monté sur une belle pelouse, vers 16h30, nous repartons donc en ballade. Les paysages offerts sont splendides, toujours avec ces fameuses montagnes au sommet plat. Pour atteindre la réserve, nous devons retourner vers le barrage et le traverser. En chemin, plusieurs points de vue s’offrent à nous sur les îles formées au bord du lac par ces fameuses montagnes. Au pied du barrage, c’est un groupe de pélicans qui navigue paisiblement. Ce mur barre la fameuse Fish River qui a creusé le canyon éponyme quelques centaines de kilomètres plus au sud.

Enfin, juste après avoir traversé, nous parvenons à l’entrée de la réserve à proprement parler. L’endroit est très vallonné, ponctué de nombreuses collines rocheuses. Le paysage est toujours aussi vert, mais les arbres y sont rares, la plupart du temps des acacias assez petits. Nous retrouvons des springboks et des autruches, solitaires ou en groupe. Ils sont de plus en plus beaux au fur et à mesure que le soleil décline. La lumière est excellente avec ce ciel ponctué de quelques nuages plus ou moins gros. Mais pour être franc, nous sommes à la recherche des rhinocéros noirs qui sont sensés vivre dans ce parc depuis qu’ils ont été réintroduits. Nous avons beau chercher de tous les côtés, pas de traces. Même du haut du point de vue, nous ne distinguons rien de plus ; en revanche, le panorama sur le lac est bien sympathique. Coup sur coup, je débusque deux grands koudous (une femelle puis un mâle) à chaque fois cachés derrière les arbres. Un commentaire revient : « tu es bon pour travailler avec Béa ! ». Peut être qu’à force de fréquenter cette région, je suis plus attentif aux détails de la nature. Par contre, rien à faire pour le groupe de trois mâles qui tentaient d’approcher la femelle. Ils disparaissent derrière la crête sans laisser d’adresse. Nous retrouverons un peu plus loin une autre femelle, plus farouche, qui galope dans tous les sens : il faut avoir l’œil vif pour tenter de la suivre du regard.

Nous arrivons finalement près d’un étang dans lequel sont en train de pétrifier plusieurs dizaines d’arbres. Cela semble un petit havre de paix pour les oiseaux. D’ailleurs, quelques dizaines de pélicans semblent s’y complaire. L’heure tourne et le soleil commence à décliner. Ces étendues ondoyantes de graminées virent de l’argenté au rose-doré. Ce seul spectacle est magnifique. Il ne reste plus qu’à admirer le coucher de soleil. Mais du fait d’un relief vallonné, il n’est pas évident de trouver un bon endroit. En chemin, nous apercevons une troupe de babouins au sommet d’une colline. L’un d’eux attire notre attention par sa posture, assis de profil, les mains sur les genoux, sur fond de couchant. Déjà dans la journée, nous les avions trouvés au bord de la route, perchés au sommet des pylônes électriques, assis sur les isolateurs. Se prendraient-ils pour des tisserins ?  Mais pour revenir au soleil, nous ne le verrons pas se coucher, bien que l’ayant surveiller dans le rétroviseur en roulant ! En revanche, l’embrasement de l’horizon est splendide. Nuages et rochers prennent cette chaude couleur dorée. Le lac prend une teinte rosée. Le spectacle est une fois encore superbe. Nous nous régalons. Mais la nuit est là et nous devons retourner au camp. C’est le dernier bivouac du circuit. Demain, nous coucherons dans de vrais lits. Pour ne pas rompre avec les habitudes, les amateurs se lancent dans une partie de tarot nocturne à la lumière de la frontale ! Ensuite, tout le monde profitera de sa dernière nuit sous la tente ; et pour la première fois, pas une tente n’a de double toit alors pourtant que les nuages menacent !!


Vendredi 10 mars, camp de Hardap

Pour notre dernier petit déjeuner en bivouac, nous la jouons tranquille. Le réveil est tout d’abord repoussé à sept heures. Puis nous prenons le temps de bien nettoyer les tentes pour le groupe suivant. Ceci fait, nous faisons un dernier  petit tour sur le barrage puis dans la réserve, jusqu’à un endroit baptisé Bird’s paradise. Il s’agit d’un bout de lac où, là encore, les arbres sont en train de se pétrifier. Est-ce dû à l’heure matinale ? Mais toujours est-il que les oiseaux sont rares. Quelques hérons dorment encore sur les branches.

C’en est quasiment fini de la faune africaine puisque nous reprenons la route vers Windhoek. En chemin, nous sommes sidérés par la quantité de criquets cuirassés terrestres (énorme insecte de cinq à six centimètres). Nous en avions déjà observé quelques-uns la veille pendant le pique-nique et le soir au camp ; mais là, c’est par dizaines qu’ils sont sur la route. Les pertes sont nombreuses : un véritable carnage ! Ils donnent l’impression d’une migration irrépressible comme les gnous lorsqu’ils traversent la rivière Mara, infestées de crocodiles ! Plus loin, nous revoyons des babouins, cette fois assis sur les piquets d’une clôture, regardant passer les véhicules. Puis c’est le tour d’un dernier troupeau de springboks accompagné d’un zèbre solitaire.

Petit à petit, la route s’élève et nous traversons des montagnes. Il faut dire que la capitale Windhoek est située sur un plateau à environ 1600 mètres d’altitude. Avant d’y arriver, nous traversons Rehobot, ville où j’avais campé il y a trois ans. J’ai du mal à me reconnaître. En revanche, les habitations ont vraiment cette influence germanique, tant en terme architectural que dans le choix des couleurs, multicolore ! Retour à la civilisation dans cette ville très moderne de Windhoek. Mais pour l’instant, nous n’en verrons que la résidence hôtelière Arebbusch Travel Lodge où nous passerons notre dernière nuit. Lits douillets, petits appartements (bungalows), … le grand luxe (pour environ 40 euros par personne en chambre double) !! Le tout surveillé par des gardes à l’entrée, et de hauts grillages autour. Et pour chaque appart, une porte vitrée verrouillée, doublée d’une grille à deux verrous. C’est fou cette folie de la sécurité. Cela tranche avec les grands espaces de liberté que nous venons de traverser pendant deux semaines. Et on a pourtant pas le sentiment d’insécurité.

Après le repas de midi pris chez Béa, chacun occupe l’après-midi à sa façon : piscine d’un côté, tarot et lecture d’un autre, sieste et reconditionnement de sac par ailleurs (bien utile après quinze jours de bivouac !!). Et la journée se déroule ainsi, tranquillement dans cette atmosphère assez particulière de fin de voyage, à la veille du départ. C’est finalement toujours le moment le plus pénible ! Nous commençons à repenser au lendemain, au retour au boulot, à tout ça !! Et pourtant, il faut profiter jusqu’au dernier jour, au dernier instant, jusqu’à l’aéroport. Comme nous l’avions commencé, Béa nous clôture ce séjour par un succulent filet de bœuf. Voici une autre chose qui va me manquer en rentrant. Ca plus les « butternuts » et les « gem squash », ces cucurbitacées bien agréables aux papilles. Cette soirée est l’heure des discours, des remerciements, des échanges de coordonnées, mais aussi des comptes. On dit que les bons comptes font les bons amis. Alors il faut régler ses dettes. Et nous commençons à parler de la prochaine fois : très probablement le Mozambique en fin d’année. Afrique Australe quand tu nous tiens !


Samedi 11 mars, Arebbusch Travel Lodge

Dernier réveil en Namibie. Aujourd’hui, c’est grand luxe. Pas besoin de se lever aux aurores, pas de camp à plier. Nous avons juste rendez-vous au restaurant du camp pour prendre un petit déjeuner particulièrement copieux : le buffet est richement garni, tant pour un petit déjeuner continental, que pour un p’tit déj’ britannique. Pour moi, ce sera un peu des deux, histoire de bien me caler l’estomac. Vers 8h30, nous partons pour le centre-ville de Windhoek. Rien à voir avec ce qu’on peut voir dans une capitale européenne. Après quinze jours quasiment coupés de toute civilisation, nous souhaitons faire quelques emplettes et poster les cartes postales. Et pour ce faire, il n’y a qu’un seul endroit : la rue principale où se trouvent l’essentiel des boutiques d’artisanat, quelques galeries marchandes et la poste centrale. En deux heures de temps, nous n’avons guère le temps de pousser plus loin l’exploration de la ville, surtout qu’il faut compter au moins une demi-heure d’attente à la poste !

Vers 11 heures, nous remontons dans les 4*4 pour aller prendre un brunch au camp. Il faut dire que les trois premiers décollent vers 15 heures. Donc, en comptant les deux heures obligatoires pour l’enregistrement et l’heure de route pour rejoindre l’aéroport, il nous faut manger tôt. Les derniers souvenirs du séjour nous reviennent ; nous parlons aussi des projets de voyage. Pas encore parti et déjà impatient de revenir ! Ino parti accompagner les trois premiers, nous restons avec Béa, Claude et Elisabeth ! Pour nous, Béa a prévu un taxi pour nous conduire à lui à l’aéroport. Mais à 13h30, heure prévue lors de la réservation, pas la moindre trace de taxi. Serait ce la tuile de dernière minute ? Après une explication et un remontage de bretelles auprès de la réception, un véhicule finit par venir nous récupérer à 14 heures passées. Est-ce un taxi ? Mystère ! Toujours est-il qu’il n’a pas de plaque. Heureusement que nous ne sommes que deux dans sa petite Hyundai ! Malgré tout, nous arrivons bien en avance à l’aéroport international de Windhoek où nous trouvons Béa qui sort juste de l’aérogare. Il nous apprend que l’avion du reste du groupe a une heure de retard ! Décidément, ils auront eu des soucis avec l’aérien du début à la fin. En ce qui nous concerne, tout se passe bien : avion à l’heure. Nous avons juste deux heures à patienter au seul café de l’aérogare avec Béa, reparlant du séjour, de nos voyages précédents, du futur. Bref, nous refaisons le monde. Bien en avance sur l’horaire, nous sommes invités à passer à l’immigration et à embarquer dans la foulée. Un peu plus et nous partions en avance d’un quart d’heure !! Si, si c’est possible ! Et en plus nous embarquons une partie des passagers d’un vol précédent qui n’a pas pu décoller à cause d’une panne.

Environ 1h40 plus tard, nous sommes de retour à l’aéroport de Johannesburg. Ayant réussi à obtenir toutes nos cartes d’embarquement à Windhoek, nous n’avons pas à perdre de temps au comptoir de transit. Direction l’aérogare où nous n’avons qu’une heure pour terminer nos emplettes ! Sauf qu’en arrivant à l’étage, une surprise nous attend ! Notre avion est retardé d’une heure. Le bon côté des choses est qu’on peut flâner tranquille ! En cette fin d’après midi de samedi, l’aérogare international est bien rempli : les vols long-courriers à destination du monde entier partent presque tous en même temps. Mon principal objectif est la boutique Out of Africa, où nous retrouvons Sophie partie avec le premier avion. Après quelques achats et une dernière bière africaine, nous finissons par embarquer, toujours dans un A340-200. mais cette fois, l’avion est plein. Pas question d’avoir un peu d’espace libre pour s’étendre ! On ne peut pas gagner à tous les coups ! Et, la fatigue aidant, je trouve rapidement le sommeil.

Vers 8 heures, c’est le retour en terre de France, avec toujours une heure de retard, et surtout 30° de moins. L’annonce du pilote donnant une température de 4° à Paris a le don de nous refroidir !! Mais il faut faire avec ! Pour une fois, mon sac sort le premier, et nous sortons rapidement du terminal.